samedi 2 octobre 2010

Chapitre 17 : Ma première journée de travail à l'ERT, Part 3

Le lendemain, je décide de tester le bistrot de l'ERT. Je décide donc d'aller prendre mon petit-déjeuner directement à l’ERT, sans passer par la case cantine. J'arrive dans le petit matin blême à l’ERT, j’ai été au vestiaire passer ma tenue de travail pour la journée, puis je me suis dirigé vers le bistrot.

Qu’est-ce-que j’avais pas fait là ! Le chef du bistrot m’est alors tombé dessus comme une tonne de briques. C’était aussi le chef d’une des sous-sections de l’ERT. Je ne me souviens plus de son nom. Comment vous le décrire ? Je crois que le plus simple, c’est de vous dire que c’était ce qu’on appelle communément un beauf. Mais vraiment, il ressemblait de façon frappante au beauf de Cabu. Il était petit, gros, dégarni, avec une grosse moustache, et de grosses lunettes. Et son passe-temps préféré c’était gueuler.. sur tout et tout le monde.
Il m’est donc tombé dessus, et à commencé à m’engueuler, je ne sais même plus pourquoi, mais je me souviens m’être dit dans ma tête « OK, j’ai compris, fini le petit-dej à l’ERT, dès demain direction cantine ». Et c’est exactement ce que je fis dès le lendemain. Autant dire que mon employabilité (merci Mr Chirac) à l’ERT démarrait sous les meilleurs auspices.

Mais revenons à mon premier jour de travail. Dès que la journée commença, j’eu la nette sensation qu’une divinité quelconque avait décidé de me punir de quelque chose que j’avais dû faire dans une vie antérieure pour me faire avoir un travail aussi pourri. Je ne me souviens pourtant pas d’avoir été un nazi massacreur d’enfant, mais bon, j’ai bien dû faire quelque chose d’aussi hard ou autre chose d’équivalent pour me retrouver en compagnie de cette bande de débiles.

On aurait dit l’un des 7 cercles de l’enfer de Dante. Déjà, il y avait mon ami Bagot, dont je vous ai parlé plus haut. Inutile de vous dire que sa compagnie n’était pas exactement des plus stimulantes intellectuellement. Mais en plus, je détestais ce boulot idiot qui consistait à faire des tâches répétitives toute la journée sans même pouvoir s’asseoir, le tout en crevant de froid dans un hangar métallique à peu près aussi chaleureux que le regard de Sarkozy quand on lui dit qu’il porte des talonnettes.

J’en étais donc là de mes réflexion philosophiques quand arriva –enfin ! – l’heure du déjeuner. Je quittais le plus rapidement possible cet enfer métallique pour me précipiter à la cantine et déjeuner dans une ambiance chaleureuse avec mes amis. Après avoir déjeuné, il me restait un peu de temps, et je décidais d’aller vite fait chercher quelque chose dans ma chambre. Je ne me souviens plus de ce que c’était, mais le planton qui était de garde à la semaine fut assez gentil pour me laisser aller dans ma chambre vu que normalement, à cette heure-là, c’était interdit. J’avais donc récupéré ce que j’avais été chercher et j’étais sur le chemin du retour à l’ERT. Sentant une sorte de boule dans ma poche, je me souvint alors qu’il s’agissait de la petit radio de poche que j’avais acheté 20 francs dans un bazar à Bois-colombes pour me tenir informé. Oui, car j’ai toujours aimé l’information. Je me souviens du jour de démarrage de France Info et de LCI, les premières radio et télé toutes infos, et je les avais suivies toutes deux dès le 1er jour.

J’allumais donc ma petite radio, déjà préréglée sur France Info, et je mis les écouteurs dans mes oreilles. Et c’est là que je subis un choc, une véritable déflagration. Car mon premier jour de travail à l’ERT, c’était le lundi 8 janvier 1996. Le jour de la mort de François Mitterand. Au début, je n’ai pas compris de qui il s’agissait. J’avais bien compris que quelqu’un était mort, mais les gars qui parlaient à la radio ne disaient pas qui. Et tout d’un coup, un des annonceurs annonce : « Nous vous rappelons donc que François Mitterand, ancien président de la république est décédé ce matin à l’âge de … ».
Oh le choc ! Bien sûr, on savait qu’il était malade, mais bon, moi en tout cas, je pensais qu’il allait mieux que ça. Je ne m'y attendais pas du tout.

Et là, comme si cette première journée à l'armée dans ce boulot pourri n’avait pas été assez merdique, boum, la mort de Mitterand ! Oui, parce que moi, j’étais fan de Mitterand. C'était MON président. J’avais 9 ans quand il avait été élu pour la première fois. Et il était de gauche, comme moi. Pour tout dire, à cette époque-là, il n’y avait pas grand-monde qui pensait que Chirac ait la carrure d’un président. Il a peut-être l’image d’un gars calme maintenant, mais pendant très longtemps il a eu la même image que Sarkozy : celle d’un arriviste agité, mais en plus grand.

Et puis la première fois que j’avais voté de ma vie j'avais 20 ans, c'était en 1992. J’avais voté « Oui » à Maastricht, parce que Mitterand me l’avait demandé, parce que l’Europe c’était son truc. Et moi je lui avait fait confiance. Je devais par la suite grandement nuancer mes positions sur l’Europe (beaucoup trop libérale à mon gout). Mais bon dieu, ce que je l'avais aimé, Mitterand. Et tout d’un coup, voilà. Plus de Mitterand. Ça m’a vraiment mis un gros coup au moral. Et le pire, c’est quand j’ai entendu, toujours sur ma radio, que des gens s’étaient rassemblés spontanément sur une place à Paris, je ne me souviens plus laquelle. Et moi, coincé à 350km de là en Lorraine sur cette putain de base aérienne, alors que je n'avais qu'une envie, c'était rejoindre les autres sur cette place pour lui rendre hommage. Bien sûr, des années après, ça peut paraître bête, mais sur le moment, sous le coup de l'émotion, c'était vraiment ce que j'avais envie de faire.

Le soir, je suis allé dans la salle télé pour voir si il n'y aurait pas un hommage à Tonton. Il y en avait surement sur d'autres chaines, mais les blaireaux qui constituaient le public de la salle télé avaient choisi ce soir-là de regarder Double Impact avec Jean-claude Van Damme sur M6 !!! Je te dis pas les intellectuels ! Enfin merde, quoi, l'homme qui avait dirigé la France pendant presque 15 ans venait de mourir, et eux tout ce qui les intéressait c'était de voir un belge analphabète cocaïné savater des chinois fourbes et cruels ! Merde ! Y'a pas à dire, dans des instants comme ça, on ressent quand même une assez grande solitude.

Autant vous dire que j'ai très vite écourté mon séjour dans la salle télé.

lundi 8 mars 2010

Chapitre 16 : Ma première journée de travail à l'ERT, Part 2

Donc : premier jour de travail à l'ERT. Déjà, ce qui frappe, c'est le froid glacial qu'il fait là-dedans. Mais je vous l'ai dit, c'est un hangar, et allez donc chauffer un hangar.
Un des chefs nous prend en main, nous les nouveaux, et nous montre nos placards au fond du hangar. Oui, car nous avons aussi des placards à l’ERT, c’est vraiment comme à l’usine. On doit mettre une tenue de travail sécurisée spécifique à l’ERT, avec les chaussures de sécurité avec le bout métallique, la totale quoi...
Qui ne s'est jamais retrouvé en slip dans la petite brume du matin en train de se changer dans un hangar métallique glacial en compagnie d'autres gars aussi mal réveillés et enthousiastes que soit, ne sait pas ce qu'est vraiment le bonheur. Oui, les joies de l’usine ne cessent de me sauter aux yeux, et plus la journée avance, plus mon moral fait de merveilleux sauts de cabri … vers les profondeurs abyssales de la dépression.

En sortant de ce putain de vestiaire, je remarque une salle que je n’avais pas remarqué la première fois que j’étais venu visiter. J’entends des bruits de conversations, et je rentre donc pour voir ce que c’est. Je découvre une salle avec plusieurs tables, des chaises, un comptoir, toutes sortes de bouteilles derrière ce comptoir ainsi qu’une machine à café, des tasses, etc, etc .. Et là je me rends compte de ce qu'est cette salle : un bistrot !! Un vrai bistrot !! Ici, à l'ERT !! Je dois avouer que j’en suis sur le cul. Je n’en reviens pas. Les gradés se sont tout simplement aménagé un bistrot à l'intérieur de l'ERT !!! Et après on se demande d'où vient la « légende » qui veut que les militaires soient des alcolos !!!
Les gradés à l'intérieur du bistrot me voyant en train de les regarder la bouche ouverte m’invitent à rentrer et on m’explique que c’est le bistrot de l’ERT, que c’est super sympa, tout ça. Bon, pour vous dire la vérité (mais je pense que vous l'aurez deviné), je ne suis pas très bistrot. Je ne vois pas l’intérêt d’aller dans un bistrot se pochetronneralors qu’on peut le faire tranquillement chez soi à l’abri des regards indiscrets. Et en plus, je ne bois pas d’alcool, ni de Coca, ni aucune de ces saletés de boissons gazeuses, je trouve ça dégueulasse. Non, la boisson de choix, pour moi, c’est l’eau. Je ne comprends pas qu’on puisse vouloir boire quoi que ce soit d’autre. Je trouve ça tellement bon ! Bon, je dois avouer que je ne refuse pas un verre de sirop à la Grenadine ou d’Ice Tea à la pêche quand il fait chaud, mais c’est tout. Et puis c’est vraiment à l’occasion, je ne changerais pas de trottoir juste pour aller boire un Vittel-fraise dans un bistrot.

Donc autant vous dire que pour moi, la découverte de ce « bistrot militaire » n’est pas exactement fondamentale. Mais il se trouve qu’ils servent aussi des petits-déjeuner avec du chocolat au lait, dans ce bistrot. Et ça, c'est déjà plus à mon intéressant.
Car comme je crois vous l’avoir dit plus haut, le chemin pour aller à l’ERT est assez long à cause de cette connerie de Vigipirate et des grilles fermées qui nous obligent à faire un assez long détour.
En découvrant qu'ils servent des petits déj au bistrot de l'ERT, je me dis donc que si je peux venir directement à l’ERT prendre mon p’tit déj sans devoir passer par la cantine, ça me ferait pas mal de chemin en moins et du temps (et donc du sommeil !) en plus. Oui, parce que aller de l’hébergement à la cantine, faire la queue, prendre son p’tit déj, puis refaire le chemin en sens inverse pour contourner toutes ces putains de grilles et enfin arriver à l’ERT, ça prend quand même pas mal de temps.

Mais j’aurais dû me douter que cette histoire de bistrot était trop belle pour être vraie et qu’il y aurait une couille quelque part.

lundi 1 mars 2010

Chapitre 15 : Ma première journée de travail à l'ERT, Part 1

Vous savez quelle est la seule et unique chose qui est vraiment bien au service militaire ? Non ? Vous ne voyez pas ? Eh bien je vais vous le dire. La seule et unique chose qui est vraiment bien au service militaire c'est qu'on sait que ça va finir un jour ! Et on connait même le jour où on sera enfin libre, vu qu'il est écrit sur notre badge ! Pas comme dans la vie normale, ou ça ne finit jamais. Parce que vous je ne sais pas, mais moi j'ai toujours aimé avoir des objectifs, un horizon à atteindre. Ça me rassure. Par exemple, à l'école, puis au collège et au lycée, j'avais un objectif bien déterminé : passer dans la classe supérieure. Je savais pourquoi je travaillais, j'aspirais à ce but.

J' entame donc ma première journée de travail effectif à l'ERT passablement déprimé par la perspective de savoir que quoi qu'il se passe, je vais de toutes façons travailler 9 mois dans ce hangar de merde, mais rassuré par la perspective de savoir que cela ne va durer QUE 9 mois et pas un de plus. Sauf bien sûr, si j'ai le malheur d'aller au trou. Et oui, le fameux trou. La « prison » de la base. La règle est la suivante : celui qui va au trou, pour quelque raison que ce soit, se voit rajouter la moitié de ses jours de trou en service militaire.
Vous avez compris ? C’est pas très compliqué en fait, je vais vous donner un exemple : si un gars est condamné à faire deux semaines de trou, il devra donc faire une semaine de service militaire en plus. Le gars fera donc 10 mois ET une semaine de service. Et comme personne ne veut faire plus de service que strictement nécessaire, la plupart des gens se tiennent à carreau. Mais il y a des exceptions, comme toujours. Il y en a certains, on dirait vraiment qu'ils aiment aller au trou, vu qu'ils font tout pour ça. J'ai connu un gars (je ne me souviens plus de son nom) qui était un shootard de première. Un jour il s'est fait coincer avec une grosse quantité de cannabis, et il a été condamné à faire DEUX MOIS de trou ! Ce qui fait qu'il a du faire un MOIS de plus à l'armée !!
Or 10 mois de service + 2 mois de trou + encore 1 mois de service = 14 mois à l'armée !!! 1 an et 2 mois au lieu de 10 mois !! Je vous dis pas comment il avait la haine !

Mais des cas comme ça sont quand même assez rares. La plupart des gars font en moyenne 3 ou 4 jours de trou.
Et puis on dit le trou, mais il ne faut pas exagérer non plus. Le confort est certes assez spartiate, mais ce n'est quand même pas la cellule d'Edmond Dantès au château d'If !
Je ne vous cacherais pas que l'éventualité du trou ne m'angoisse pas trop. Car comme je pense que vous l'avez deviné, je ne suis pas exactement ce qu'on peut appeler un fauteur de troubles, et les rares fois ou j'ai été puni dans ma vie, cela a été du à des mensonges d'autres personnes ou à des mauvaises notes. Vous savez, souvent dans les séries américaines, quand ils vérifient le casier d'un suspect, ça donne quelque chose comme « Son casier est vide, il a eu un PV en 20 ans ! ». Eh bien voilà, ce gars-là, c'est moi. La seule différence est que ce genre de gars se révèlent souvent être des serial killers, ce qui, je vous l'assure, n'est absolument pas mon cas.

Autant vous dire qu'en ce premier jour de travail à l'ERT, l'idée que je risquerais un jour de faire du trou ne m'effleure même pas. Et pourtant …

Mais nous parlerons de cela en temps voulu, respectons l'ordre chronologique des évènements, enfin, zut, quoi !

mercredi 24 février 2010

Chapitre 14 : La nouvelle chambre

Enfin, bon, y faut pas exagérer non plus, certains des gens de cette nouvelle chambre, je les connais déjà, ne serait-ce que de vue puisque nous sommes du même contingent et que nous avons déjà fait plein d'activités récréatives ensemble comme défiler sous la neige, etc …

En fait, dans cette nouvelle chambre, nous sommes cinq, moi y compris. Ceux que je remarque en premier, car leur visage m'est familier, c'est Dumas et Desmars. (je ne sais pas si vous avez remarqué, mais à l'armée on ne s'appelle pas par notre prénom, mais par notre nom de famille). Comme je l'ai dit plus haut, ces deux-là, je les connais de vue, ils sont du même contingent que moi et ils ont l'air assez sympas. On discute un peu et j'apprends que Dumas est originaire de la région parisienne, comme moi. Quand à Desmars, je ne me souviens plus du tout d'où il est, mais je me souviens très bien qu'il nous à dit qu'à ses heures perdues, il est DJ. Il faut dire ce qui est, il n'a pas du tout le look de l'emploi vu que le pauvre est déjà presque chauve, alors qu'il est plus jeune que moi.
Ils ont donc été affectés à l'ERT comme moi, mais je dois avouer que je ne me souviens plus du tout en quoi consistaient leur boulots. Je me souviens juste que Desmars avait un boulot administratif, le chanceux !

A part Dumas, Desmars et moi il y a donc encore deux autres occupants dans la chambre, qui sont eux aussi membres de l'ERT. Mais eux ce sont des anciens, ils ont déjà commencé leur service depuis quelques mois.

Le premier ancien s'appelle Casadéi. Il a l'air sympa lui aussi. Physiquement, il est assez petit, a d'épais cheveux noirs peignés vers l'arrière, et il porte des lunettes, comme moi. Il travaille avec le chef de l'ERT et il a donc la chance de s'habiller en costard tous les jours. Mais ça l'emmerde plutôt qu'autre chose, surtout à cause de cette putain de cravate qu'il doit mettre tous les jours. Je le comprends, je ne supporte pas ces saletés, dès que j'en mets une j'ai l'impression d'avoir un nœud coulant autour du cou. Mais je dois avouer que j'aurais encore préféré ça à mon putain de boulot complètement débile dans ce hangar merdique.
Il ne lui manque plus que quelques mois avant d'être libérable, et il attend ça avec une impatience non dissimulée. Il n'arrête pas de nous dire "Les gars, le jour ou je serais enfin libéré de cette merde, je vais te me faire une de ces putains de nouba, à en tomber dans un coma éthylique" avec un enthousiasme communicatif. La suite lointaine des évènements nous prouvera qu'il n'exagérait absolument pas.

Le deuxième ancien, je dois bien avouer que je ne me souviens plus de son nom, et je dois aussi avouer que je m'en fous, vu que je ne l'aime pas. Il vient d'un des territoires d'outre-mer, Dom ou Tom, je ne sais plus, et il faut bien dire les choses telles qu'elles sont, c'est un sombre connard. C'est un peu elliptique, je sais, mais ne vous inquiétez pas, je développerais mes arguments plus tard.

Je me retrouve donc dans cette nouvelle chambre, avec une nouvelle armoire, et le même cadenas. Oui, car vous vous doutez bien qu'il faut mettre un cadenas à nos armoires si nous voulons avoir une chance (minime !) de conserver nos biens les plus précieux. J'ai quand à moi une méthode personnelle : je ne sort jamais mon portefeuille de la poche de mon pantalon. Changement de pantalon pour faire du sport ? Changement de poche pour mon portefeuille ! Certaines personnes trouveront peut-être ça idiot, mais j'en ai vu des gars pleurer parce qu'on avait forcé leur cadenas et qu'on leur avait tout piqué. Donc, en ce qui me concerne : portefeuille = poche.

Au début, bien sur, ça a été comme à chaque fois que je rencontre une situation nouvelle : je suis tétanisé. Je vous l'ai dit plus haut, je déteste le changement et je suis très casanier. Mais bon, là ça fait quand même un mois que je suis sur la base, Desmars et Dumas je les connais un peu, ils sont sympas, et en plus, Casadéi, qui a l'air sympa, se révèlera être très sympa. Cerise sur le gâteau : la chambre de Rémy et Jerry est au fond du couloir au même étage que la mienne ! Je peux donc aller les voir quand je veux, et je ne vais pas m'en priver !
Donc à part l'autre connard, cette nouvelle chambre s'annonce plutôt bien.


mardi 16 février 2010

Chapitre 13 : Les autres affectations

Mais arrêtons une seconde de parler de moi (bien que ce soit un sujet très intéressant) pour parler un peu des autres, car après tout, je ne suis pas Nicolas Sarkozy, et le sort des autres personnes m’intéresse aussi.

Voyons donc voir où ceux avec qui j'ai partagé ma chambre durant les classes ont été affectés. Et bien pour la plupart, ils ont eu le même malheur que moi, à savoir qu'ils ont été affectés sur la base. Et oui, tous affectés sur cette base pourrie. Sauf ce pauvre Mick, qui a été affecté ailleurs et que je ne reverrais plus qu'une ou deux fois dans des trains de permissionnaires.

Voyons voir les affectations des autres : Rémy a été affecté dans un bâtiment juste à coté du mien dans un poste administratif au GERMAC. Ah le salaud, il y en a qui ont vraiment de la chance ! Travailler toute la journée en costume sur un ordinateur. Oui, parce que quand, comme moi, on est affecté à un travail à la con, on doit porter ce putain de treillis, qui est loin d’être la chose la plus confortable et la plus chaude du monde, alors vous imaginez dans un hangar en hiver en Lorraine. Alors que quand, comme Rémy, on a un poste dans les bureaux, on peut porter sa tenue d’aviateur. Chemise bleu ciel, costume bleu foncé, cravate, calot d’aviateur. D'accord, c'est pas très chaud, mais les bureaux sont chauffé, eux, contrairement à mon hangar pourri ! Et puis ça vous a quand même une autre allure que ces treillis pourris !
Alors bien sur, devant lui, j'ai râlé, j’en ai fait des tonnes sur le thème « Pourquoi c’est pas moi qui ai eu ce poste ? » mais en fait j’étais secrètement content qu’il ait eu un bon boulot parce que il faut que je vous dise que Rémy, c’est vraiment un mec bien.
Quand à Jerry, je ne me souviens plus du tout du lieu ou il a été affecté, mais bon, c'est pas grave vu que Jerry et Rémy sont restés tous les deux sur la base, et qu'on peut donc continuer à se voir sans aucun problème. Il y a juste un petit hic : quand on finit nos classes, on change de bâtiment d'hébergement pour laisser la place à la nouvelle génération de troufions qui prends notre place début janvier 1996.

Une petite remarque en passant : ils nous ont tellement bassinés avec cette histoire de contingent 95-12 pendant nos classes, que ça fait quand même drôle de réaliser qu'on va en fait faire les 9/10èmes de notre service militaire en 1996 et non pas en 1995. Bref, passons.

Et on a donc emménagé dans un autre bâtiment absolument identique au premier situé à environ 200 mètres de l'ancien, l'hébergement T1. Et dans ce nouveau bâtiment, on est logés par sections.

Et je me retrouve donc dans une chambre avec des gars de l'ERT 17-133, que je ne connais absolument pas.

lundi 8 février 2010

Chapitre 12 : Unité ERT 17-133 part Two

Mais laissez-moi donc vous décrire par le menu en quoi consiste mon merveilleux travail. Comme je l’ai dit plus haut, il y a dans le hangar des sortes de bureaux à la con, faits de cloisons pourries, un peu comme des openspaces, mais fermés. C'est marrant, on dirait des petits bunkers au milieu du hangar.
Ces bureaux sont bien sur réservés aux gradés qui sont donc les seuls à avoir le droit de s’asseoir et de se réchauffer un peu. Parce que vous imaginez bien que dans un putain de hangar, il fait plutôt frisquet, surtout en plein hiver en Lorraine.

Un de ces bureaux est situé tout de suite à l’entrée du hangar, et c’est là que moi et bagot on récupère les commandes de pièces qui viennent de toute la base. Oui, parce qu’on peut aussi bien nous demander une roue d’avion qu’un câble téléphonique pour le bureau du Colonel.
Ces commandes sont imprimées sur des grandes feuilles informatiques à l’ancienne. Mais si, vous voyez ce que je veux dire, les grandes feuilles verdâtres d’un format bizarre avec des bandes perforées de chaque côté. Puis, nous, les pauvres cons d'appelés de base, nous venons récupérer ces feuilles dans le bureau, et nous allons chercher dans les rayons ce qui nous est demandé. Puis, nous le mettons sur de grandes tables ou les pièces diverses et variées sont récupérés par d’autres gars qui les dispatchent dans la base.

Toujours est-il que c’est une activité très chiante, très monotone et très fatiguante. Parce que bien qu’il y ait un autre bureau vitré (vraiment openspace celui-là) en face du premier bureau dont je vous ai parlé, il est bourré d’ordis et les trouffions que nous sommes n’avons bien sur pas le droit d’y aller. J’ai donc réalisé au bout de ce premier jour de travail qu'une grande partie de mon boulot, pendant les 9 mois suivants, allait consister à rester debout toute la journée à attendre ces putains de listings informatiques.
Dans un hangar. Sans pouvoir m'assoir. Avec Bagot. 9 MOIS.

Autant vous dire qu'à la fin de la journée, j’ai quand même pris un sacré coup au moral.

lundi 1 février 2010

Chapitre 11 : Unité ERT 17-133

Le matin suivant mon retour à la base, je me rends donc pour la première fois à mon lieu de travail pour les 9 prochains mois, à savoir l’unité ERT 17-133. Déjà, un détail sympa : c’est pas très loin de l’hébergement. En fait, il y a un chemin qui y mène tout droit, on y est en 5 minutes. Mais comme nous sommes début 1996, en pleine psychose vigipirate à cause des attentats, ce chemin est bien sûr fermé par des grilles, et au lieu de faire 30 mètres en marchant tout droit, on doit faire un énorme détour inutile pour y arriver. En arrivant devant l'Ert, j’ai tout de suite un mauvais pressentiment, car j’ai bien vu grâce à mes yeux que ce truc est ce qu'on appelle dans notre jargon technique un hangar pourri. Et là je me dis « Ouh là, ça sent mauvais ». Car qui n'a pas connu la joie de travailler dans un hangar ne peut pas savoir ce que je ressens à cet instant magique où je me rends compte que je vais passer 9 mois de ma vie dans cette merde métallique glacée. Ben oui, parce que si vous croyez qu'un hangar ça se chauffe facilement, je suis désolé de briser vos illusions mais la réalité vraie c'est que dans un hangar, on se gèle les couilles ! Et pas qu'un peu !

Mais revenons à nos moutons, c'est à dire la découverte par mes globes oculaires émerveillés de ce véritable bijou qu'est l'ERT 17-133. Et bien en fait, comme je ne vais pas tarder à le découvrir, l’unité ERT 17-133 n’est autre qu’une unité de ravitaillement pour les avions (n’oublions pas que mes palpitantes aventures se déroulent sur une base aérienne). En fait, à l'intérieur de cette saloperie de hangar, il y a deux ou trois cloisons qui essaient vainement de passer pour des bureaux, et il y a surtout des rangées et des rangées d’étagères métalliques remplies de pièces détachées plus où moins grandes.

Et là, je dois bien vous avouer que je tombe des nues. Car je me suis toujours plus ou moins considéré comme un « intellectuel », comme quelqu’un qui travaille plus et mieux avec sa tête qu’avec ses jambes. Mais il faut croire que les tests sophistiqués des génies de l’armée avaient déterminé que j’étais plus apte à prendre des trucs sur des étagères à longueur de journée, pour ensuite les mettre dans des camionnettes qui les emmèneraient vers les chevaliers du ciel et leur merveilleuses montures ailées.
Grand amateur de BD devant l’éternel, c’est à ce moment précis que je réalise avec effroi ce que je suis devenu : un sous-fifre de Tanguy et Laverdure ! Et c’est bizarrement aussi à ce moment précis que j’ai commencé à beaucoup moins aimer les Chevaliers du Ciel.

Car il faut bien dire que l’idée de passer 9 mois de ma vie à faire ce travail idiot et répétitif me déprime encore plus que je ne le suis déjà. Surtout que je vais devoir passer tout ce temps avec une belle pelletée de débiles !
Car je ne vous ai pas encore présenté mes chers collègues de l’ERT.

A tout seigneur tout honneur, commençons par les gradés. En fait, ils sont comme presque tous les gradés de la base : cons. Et puis après il y a surtout mes collègues de travail, à commencer par les civils. Car je viens de découvrir que des civils travaillent sur la base ! Ils rentrent chez eux tous les soirs, les veinards. Mes souvenirs sont assez vagues, mais dans l’ensemble ils sont assez sympas.

Et puis il y a les autres appelés. Et là, j’ai droit à un truc pas banal. On me présente un appelé comme moi, un gars qui s’appelle Bagot et qui a prolongé son engagement après le service de plus d’un an ! Ce qui veut dire que ce gars a fini son service militaire depuis plus d'un an et qu'il a choisit de rester là !!! J'ai mon cerveau qui a failli exploser quand il m'a dit ça ! Alors que moi je n'ai qu’une envie : fuir !

Mais le pire ce sont les présentations proprement dites : un des civils (un gars sympa, la petite cinquantaine avec une moustache) me présente Bagot. Je lui serre la main, et je dis quelque chose du genre « salut, moi c’est bruno, ça va ? ». Et le gars Bagot me regarde fixement, et il sort « J’suis d’la région ! ». Un peu surpris par cette réponse, j’essaie d’enchainer par un « ah, euh, ouais, moi j’viens de la région parisienne ». Là, le Bagot me regarde avec un œil ... un oeil comme celui d'une poule quand elle essaie de réfléchir, vous savez, un truc vitreux où on sent un effort de réflexion intense. Ça dure bien 5 bonnes secondes, et là je sens qu’il s’apprête à faire une autre déclaration forte, sur quoi il me ressort « J’suis d’la région ! ». C'est hallucinant, j'ai l'impression d'être dans un sketch des Deschiens, et je commence à me demander si le gars Bagot ne se fout pas un peu de ma gueule. Mais là le civil intervient pour me rassurer, « non, non, il est toujours comme ça ».
Je laisse donc tomber l’affaire, et je comprends que Bagot et moi n’aurons jamais de grande conversation sur les mérites comparés des œuvres de Jean-jacques Rousseau et Voltaire.

mardi 26 janvier 2010

Chapitre 10 : Retour à la Base

Après cette trop courte période de bonheur, je dois m’en retourner à cette putain de base. Je vous dis pas la joie !

C’est la première fois que je prends le train en direction de Toul, puisque mon père m’avait emmené en voiture à la base la première fois. Je prends donc le métro vers la gare de l’Est, puisque c’est de là que part le train vers la lorraine. Ce que je ne sais pas, c’est que c’est loin d’être la dernière fois que je prends ce putain de train. Car à ce moment-là, j’ai encore le fol espoir d’être affecté à coté de chez moi, même si je sais dans mon for intérieur qu’il y a en fait très peu de chances que ça arrive vu que ce genre de places sont réservées aux pistonnés, ce que je suis loin d'être.

Alors déjà, quand on arrive à la gare de l’Est, on commence à déprimer parce que il faut bien dire ce qui est : la gare de l’Est est moche. Et puis rien que le nom est déprimant : gare de l’Est. Franchement, qui aime aimer à l’Est ? Vous je ne sais pas, mais moi je préfère de loin aller vers le sud, vers le soleil. Mais là, non, gare de l’Est.
Et puis en plus, j'ai peur de louper ma station. Parce que la ville de Toul n’est pas exactement ce qu'on peut appeler une mégalopole où le train s'arrête 3 heures. En fait, le train marque l’arrêt environ 2 minutes et il repart aussitôt. Autant dire que vous avez intérêt à ne pas louper l’arrêt. Vu que c'est la première fois que je prends le train pour la base, je flippe donc grave.

Parce que j’en ai vu plus tard qui avaient loupé l’arrêt et qui ne se sont réveillés qu’à Strasbourg, le terminus du train. Alors ceux-là, non seulement ils sont considérés comme déserteurs, mais en plus ils doivent se payer un taxi pour arriver le plus rapidement possible à la base, où ils sont immédiatement mis au trou parce que déserteurs. Ils sont gagnants sur tous les tableaux, quoi.

Mais je n’ai heureusement jamais eu ce problème. Car, oui, comme vous l’avez deviné, à peine arrivé sur la base, j'ai appris la bonne nouvelle ! Je suis affecté définitivement sur cette putain de base où j’ai fait mes classes. Youpi ! Joie ! Alléluia !

Un immense bonheur m'envahit et me pénètre, comme dirait Coluche. Inutile de vous dire qu’une joie sans pareil envahit mon cœur à l’annonce de cette nouvelle ! Je vais pouvoir continuer à me lever aux aurores pour aller dans le vent et le froid faire un boulot stupide à plein temps tout en étant payé une poignée de cacahouètes et en bénéficiant de l’hospitalité de l’armée ! Ouais !

Pour les (quelques) coincés du cerveau qui n'auraient pas compris, les lignes précédentes étaient ce qu'on appelle de l'ironie. En fait, je suis dégouté ! Affecté à cette putain de base ! Merde ! Et bien sur, tous les connards sont affectés à côté de chez eux.
Je suis en train de discuter avec mes amis, tous affectés sur la base eux aussi et loin d'en être ravis, quand un ancien s'approche et nous explique la chose suivante : si on veut être affecté à côté de chez nous, au lieu de se tenir à carreau pendant les classes, il faut faire chier le monde. Comme ça, les gradés n’ont qu’une envie : se débarrasser de toi et t’affecter ailleurs. Et c’est maintenant qu’il nous dit ça, ce con !

J’ai donc été affecté définitivement sur la base de Nancy-ochey, et plus précisément dans l’unité Ert 17-133. Et je dois bien avouer ma totale perplexité à l’annonce de cette affectation car je n’ai absolument aucune idée de ce que peut bien être cette unité Ert 17-133. Je vais malheureusement le découvrir assez vite.

lundi 18 janvier 2010

Chapitre 9 : Santa Claus is coming to town !

Enfin, je la vois, la terre promise, la Gare de Bois-colombes ! Mon dieu, que j'aime son architecture Art Déco des années 30 ! Je suis enfin chez moi ! Je sors du train, je prends l'escalator, et j'atterris dans la rue des Bourguignons, toute illuminée ! En ce qui me concerne, c'est un peu comme si j'étais mort et que j'arrivais au paradis. Retrouver enfin mon chez moi après ce long mois dans ce coin paumé de Lorraine … je suis tellement heureux que j'ai l'impression que je vais exploser ! Après avoir aspiré plusieurs bouffées de ce délicieux air pollué, je me précipite chez moi, et je retrouve enfin ma famille !

Enfin !!! Après tout ce temps ! Ils sont tous là ! Enfin, je devrais plutôt dire elles sont toutes là. Et oui, car je n'ai que des sœurs. Et elles sont toutes là, ainsi que ma mère et notre petite chienne, Minnie, que tout le monde appelle Minou. Mon père étant chauffeur de Taxi, il rentrera plus tard, vers 21h30. Mais laissez-moi vous présenter tout le monde : il y a donc là mes 3 sœurs, Elia, Sonia et Magali, ma mère, et Minnie. La structure familiale est la suivante : mes parents ont 4 enfants, et je suis l'aîné. J'ai une sœur qui est née un an et demi après moi (Elia), et deux autres sœurs qui sont nées 9 et 13 ans après moi (Sonia et Magali). Donc ma sœur la plus vieille est toujours ma petite sœur, mais c'est la plus vieille des 3. Oui, je sais, pas un seul frère... Sonia et Magali auraient dû s'appeler Michaël, c'est triste mais c'est la vie. Bref, fin de la digression.


Je n'ai qu'une envie : retrouver les lieux qui me sont familiers. Je demande donc discrètement à Elia de m'accompagner au Prisunic de la rue des Bourguignons pour aller acheter des cadeaux sans que mes petites sœurs ne s'en aperçoivent. Oui, parce que l'armée m'a donné ma première solde pour mon premier mois en enfer, et je compte bien tout claquer en cadeaux. J'ai en effet reçu pour prix de mes souffrances la somme mirifique de 580 francs (environ 90 euros) que je compte bien claquer dans des achats de noël pour ma famille. Je sais que ça n'a pas l'air énorme comme somme, mais avant qu'on se fasse baiser profond par le passage à l'euro, 90 euros c'était une petite somme et on pouvait acheter pas mal de choses avec.

Je pars donc avec Elia au Prisunic de la rue des Bourguignons qui est juste à côté de chez nous. Ah, ce Prisunic, c'est un peu ma deuxième maison. J'y vais depuis ma plus tendre enfance, et c'est là qu'on achète à peu près tout, des BD en passant par les disques, les cassettes vidéos et bien sûr la nourriture. Nous rentrons donc dans le Prisunic, et là c'est magique, il y a toute la déco de Noël. Oui, je sais que tout ça est fait pour de basses raisons commerciales, mais je m'en fous, moi j'ai gardé mon âme d'enfant et j'adore toute l'agitation qui entoure Noël. Nous sommes donc engagés dans l'allée principale du supermarché, quand le coin de mon œil est attiré par quelque chose de coloré qui remue. Ma curiosité l'emporte et je vais voir ce que c'est. Et je découvre qu'il s'agit d'une jolie boite à musique animée. Mais attention, c'est pas n'importe quoi : il y a un décor de noël (une cheminée avec des chaussettes accrochées) et des petites souris qui s'affairent autour de la cheminée. Le tout s'anime quand on met en route la musique, les petites souris se mettent à bouger, et les minis guirlandes autour de la cheminée s'allument.
Et là ça fait tilt dans ma tête :
- j'ai trouvé là un des cadeaux que je vais offrir à noël
- le destinataire de ce cadeau ne sera personne d'autre que ma très chère mère.
Car il se trouve que ma mère est comme moi, elle a bon goût et elle aime bien les objets originaux. Alors à ce moment-là, il y a sûrement des gens qui lisent ceci qui ne vont rien trouver de mieux à me dire que "Ouais, mais ton truc, là, c'est un truc moche en plastoc fabriqué à la chaîne en chine".

Et à ces personnes je ferais trois réponses : premièrement, il y a une contrepèterie et une répétition du son "ch" dans la phrase précédente, deuxièmement, vous n'avez pas vu cette boite à musique, moi oui, elle est très mignonne et elle a en effet plût à ma mère comme je le pensais, et enfin troisièmement, il est sûr que moi comme ma mère nous préfèrerions collectionner les toiles de grands maîtres, mais vu que nous sommes pauvres, nous nous contentons de ce que nous pouvons nous offrir et que nous trouvons joli.

Et puis en plus, ce truc n'est pas donné. 250 francs, presque la moitié de ma solde ! Mais franchement, ça valait le coup, car le jour de l'ouverture des cadeaux, ma mère était ravie. Et elle a conservé cette boite à musique jusqu'à aujourd'hui, impeccable et en parfait état de marche s'il vous plait !

lundi 11 janvier 2010

Chapitre 8 : Une odeur douce et âcre

Quand à moi, en ce qui concerne ma personne personnelle, je suis fou de joie. Même si je suis content de m'être fait des amis sympas, je suis quand même très impatient de revoir ma famille après trois longues semaines en enfer !
Je ne me souviens pas des préparatifs de départ, je me souviens juste de prendre le car spécialement affrété pour nous emmener à Toul pour qu'on puisse prendre le train qui va (enfin !) nous ramener chez nous. Je ne sais plus comment, mais je sais que je me suis retrouvé seul sur le quai, comme un con.

Je me retrouve donc seul sur ce quai, et je vois qu'il y a deux trains qui vont à Paris. Je dois donc en choisir un. Malin, je choisis celui qui s'arrête le moins possible. Je monte donc dans ce train. Je cherche du regard, mais au bout d"un moment j'abandonne : non, je ne connais personne dans ce train. Je marche un peu pour trouver une place ou m'assoir, et là il y a quelque chose qui me frappe : il n'y a que des gars de mon âge dans le train, la vingtaine, et il ont tous un grand sac de militaire de toile verte comme le mien. Et c'est là que je réalise où je suis : dans un train de permissionnaires. J'en avais déjà entendu parler mais je n'en ai évidemment jamais pris. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, c'est très simple : c'est un train où il n'y a que des militaires, généralement en permission pour le week-end. C'était assez courant du temps où il y avait encore le service militaire.

Je me trouve une place tranquille, je m'assois, et je me prépare à ce long voyage. Au bout d'un bon moment, le train s'ébranle enfin, et je vois la Lorraine s'éloigner, non sans une certaine joie non dissimulée. Je pense que je dois avoir un sourire d'andouille d'une oreille à l'autre.

Peu à peu, je me laisse bercer par le train. Mais au bout de quelques minutes, je sens une odeur douce et âcre s'accrocher à mes narines, et je me demande ce que c'est. En cherchant du regard, je vois des gars en train de fumer. Oui, car à cette époque là on pouvait encore fumer dans les trains. Et force m'est de constater que ce n'est pas du tabac qu'ils fument. Je n'ai jamais fumé, pas plus à l'époque qu'aujourd'hui, mais mon père ayant fumé des gauloises sans filtre pendant toute mon enfance, je connais l'odeur du tabac. Et je connais aussi l'odeur des cigares car j'avais un oncle un oncle qui en fumait pas mal. Et décidément, cette odeur ne ressemble à rien de tout ça. Et tout d'un coup ça fait tilt dans ma tête : ils sont en train de fumer du haschich ! de la marijuana ! de la beuh ! du shit, quoi.

Et si ça m'a pris aussi longtemps pour me rendre compte de ce que c'est, c'est que je n'en avais jamais senti avant. Eh oui, à l'école déjà, je ne faisais pas partie des gens "in", les "branchés", ceux qui fumaient quoi. J'ai décidé quand j'étais enfant que jamais je ne fumerais. Et ce pour plusieurs raisons. Déjà, même quand j'étais enfant, je trouvais que le fait de mettre ces petits bâtonnets dans sa bouche, puis d'y mettre le feu pour ensuite aspirer la fumée dans ses poumons ne pouvait pas être bon pour la santé. Et ensuite parce que l'oncle dont je vous ai parlé plus haut, celui qui fumait des cigares, et qui buvait du bon whisky, et bien il se trouve que cet oncle, qui était mon oncle préféré, est mort alors qu'il avait 55 ans et que j'en avais 8. Et sa mort était directement liée à la consommation excessive de ces merveilleux cigares et de ce bon alcool. Inutile de dire que ça m'a vacciné contre toute envie de fumer, et ce pour toujours.

C'est donc dans ce train que je sent pour la première fois de ma vie l'odeur douce amère du haschich. Mais ce que je ne sais pas à ce moment-là, c'est que c'est loin d'être la dernière. J'aurais en effet souvent l'occasion de sentir cette odeur vu que pas mal de gens en consomment sur la base. Un aparté : je n'ai jamais fumé non plus de haschich. Non pas que je n'en aie jamais eu l'occasion à l'armée, mais un détail m'a instantanément guéri de toute velléité d'essayer : le haschich doit être consommé mélangé à du tabac, roulé dans du papier à cigarette. Et comme je me suis juré de ne jamais fumer du tabac, la cause était entendue.

Après 3 longues heures, le train arrive à Paris. Je me précipite dans le métro, direction la gare St Lazare, et je prends enfin le train pour Bois-colombes. Je rentre chez moi ! J'ai du mal à y croire, surtout après ce premier mois cauchemardesque.

lundi 4 janvier 2010

Chapitre 7 : La fin des Classes

Finalement, au bout de 3 semaine de martyr, ces putains de classes touchent enfin à leur fin. On commence à entrevoir le bout du tunnel. Les gradés sont plutôt contents car tout le monde sait maintenant super bien marcher au pas, et on connait aussi tous le chant de la base par cœur. "Les oies sauvages" que ça s'appelle. Ça donne à peu près ça :

"Les oies sauvages vont vers le nord
Leur cri dans la nuit monnnnte !
Gare au voyage car la mort
Nous guette par le monde
Gare au voyage car la mort
Nous guette par le monde"


Le tout chanté avec force intonations viriles et un sens du rythme assez bizarre. Je crois qu'il y a d'autres couplets, mais je ne m'en souviens plus.

Vu que les classes sont pratiquement finies, on doit passer des espèces de tests, des examens écrits et physiques, pour voir si on a bien assimilé tout ce qu'on nous a appris. On nous fait donc passer ces fameux tests. Je ne me souviens pas trop des tests écrits, je sais juste que mes résultats ne sont pas terribles. Je me souviens mieux des tests physiques. Et notamment du test à la piscine. Moi, je croyais que ce n'était qu'un entraînement, qu'on faisait une longueur de bassin une fois, comme ça, puis qu'on repasserait plus tard. Mais à la fin de ma longueur de bassin, on m'a dit à mon grand étonnement que non, ça y est, c'est fini.

Après, on doit faire de la corde à nœuds. Alors là, je suis découragé d'avance, parce que je n'ai jamais réussi à grimper à une corde, à nœuds ou pas. Je sais qu'il faut coordonner ses pieds et ses mains, mais je n'y arrive pas. J'y suis jamais arrivé, je sais pas pourquoi. J'ai réussi à apprendre plein d'autres trucs, mais ça, jamais. Et c'est pourtant pas faute d'avoir essayé, puisque à chaque fois je me prenais un 0 en sport à l'école. Et ben non, décidément, rien à faire, impossible.

Et je ne suis pas mécontent de constater que pour une fois, je ne suis pas le seul. Car Rémy, qui passe les tests en même temps que moi, vu qu'on est du même groupe, n'y est jamais arrivé non plus. Seulement ce jour-là, il a réussi, pour la première fois de sa vie, à grimper à une corde. Une fois arrivé en haut, il était vraiment super content. Mais le problème, c'est que si il n'était jamais arrivé à monter, il n'avait donc aussi jamais appris à descendre. Et là j'ai vu la panique passer sur son visage, et tout le monde qui lui criait "Reste calme, descend doucement, en rappel !". Il a bien essayé de rester calme, seulement ça n'a pas marché, il a paniqué, et il a fait comme dans les films : il est descendu en laissant ses mains agrippées à la corde. Résultat : il est arrivé en bas avec les mains complètement cramées ! Mais il s'en fichait, l'essentiel pour lui était de redescendre en une pièce. Il est alors parti dans un grand rire nerveux et aigu et il m'a juré que c'était la première et la dernière fois qu'il montait à une corde.

Bref, on a tous passés ces épreuves complètement idiotes, il ne nous reste donc plus qu'à attendre les résultats pour savoir où nous allons être affectés. Il y a deux possibilités : soit être affectés sur la base où on a fait ses classes (dans mon cas Nancy-ochey), soit être affecté dans une autre base, de préférence à coté de chez soi pour pouvoir rentrer à la maison le soir. Je prie pour que ce soit la deuxième solution, mais je ne me fais pas d'illusions car je sais pertinemment que ce genre de places (celles où on peut rentrer chez soi le soir) sont réservées aux pistonnées. Et je suis loin d'en être un.

En attendant, nous trainons donc notre ennui en nous entraînant mécaniquement à marcher au pas pour le défilé de fin des classes qui doit avoir lieu début janvier 96 quand un miracle se produit : la grève qui paralysait la France depuis trois semaines vient enfin de s'arrêter !
Et le jour même les gradés nous annoncent donc la bonne nouvelle : on va pouvoir rentrer chez nous pour Noël ! Après tout ce temps enfermés dans cette putain de base, franchement, on a du mal à y croire, ça ressemble à un miracle. Est-il vraiment utile de préciser que cette nouvelle est accueillie par tous les appelés avec le déferlement d'enthousiasme qu'elle mérite ?