lundi 28 décembre 2009

Chapitre 6 : Les autres trouffions

Mais assez parlé de moi, bien que ce soit un sujet méga intéressant. Parlons un peu des autres appelés. Nous sommes répartis par sections. Et il y a dans ma section un gars assez agaçant. Je ne me souviens plus de son nom, je me souviens juste qu’il a une petite barbichette, ce qui lui donne l'air assez con. Comme en plus, il est très con, ça lui va très bien. C’est le genre de gars qui pose toujours la mauvaise question au mauvais moment, si vous voyez ce que je veux dire. Tout le monde connaît ou a connu quelqu’un comme ça.

Enfin bref, il agace vraiment tout le monde. Les appelés, les gradés, tout le monde. Tout ça pour dire qu’il nous a valu un des rares traits d’humour que j’aie jamais entendu franchir la bouche d’un gradé. A l’armée, quand vous êtes malade et que vous allez au docteur de la base, on dit que vous êtes « consultant ». Cherchez pas, c’est comme ça, ils ont un nom différent pour à peu près tout.

Un jour donc, l’appelé en question est malade, et il se rend donc à l’infirmerie avant l'appel du matin. En faisant l’appel, notre sergent s’en rend compte et demande où il est. Un des autres appelés lui répond : « Il est consultant, sergent ». Ce à quoi le sergent répond du tac au tac : « il est surtout con, oui ! ». Ce qui a pour double effet de provoquer l’hilarité générale, et de nous montrer que certains militaires peuvent aussi avoir le sens de l’humour.

Sinon, dans ma section il y a aussi des gars sympas. Mais il y a aussi des connards finis. Notamment (désolé pour ceux que ça va énerver) la quasi-totalité des Doms. Force est de constater que ce sont presque tous des connards. Sauf un où deux, mais à part ça, j’ai rarement vu un ramassis de cons pareil. Pour la plupart d’entre eux, leur excuse est qu’ils sont loin de chez eux et qu’ils souffrent atrocement du moral. Et alors ? Comme si c’était une raison pour emmerder le monde ! Moi aussi je suis loin de chez moi et je souffre, et je n’emmerde pas les autres pour autant ! C’est quand même pas de ma faute si ils ont choisi de venir faire leur service en métropole ! Oui, car j'ai appris plus tard que personne ne les avait forcés à venir. Ce sont eux qui ont choisi de venir faire leur service militaire en métropole, et après ils se plaignent qu’ils sont loin de chez eux et qu’il fait froid et qu'ils n'ont pas le moral ! Mais putain, assumez les gars !

Ils ne sont bien sûr pas les seuls connards. Il y a notamment un gars de la région, un certain Muller, qui, en plus de parler avec un accent Alsacien à la con, est lui aussi un connard fini. Et pour finir, une racaille de banlieue qui s’appelait Kaci, et qui je crois est le plus con du lot. Heureusement, après les classes, ces 2 connards furent affectés dans une autre base et je ne les ai jamais revus, pour mon plus grand bonheur.

Mais assez parlé de pauvre cons, parlons plutôt de gens sympathiques, à savoir les gars avec qui je partage ma chambre. Comme je vous l’ai dis avant, j’ai eu la chance de tomber dans une chambre où il n’y a que des gens normaux, et surtout des gens qui adorent rigoler.

On commence donc à faire les présentations. J'apprends que Jérôme et Rémy sont originaires de Montargis, à côté d’Orléans, Arnaud, lui, est un gars du coin, quand à Mick, je ne me souviens plus d’où il vient. Ils sont tous sympas, mais celui avec lequel j’ai vraiment accroché, c’est Rémy. Il est super sympa, et il a un super sens de l’humour, comme moi. Au fil de nos conversations, j’ai appris un jour que son père était certes français, mais que sa mère était monégasque. Ça alors, un monégasque, un vrai ! Ça ne court pas les rues. Pour ma part, c'est la première et dernière fois que j'en ai rencontré un en chair et en os. Du jour ou j'ai découvert ça, j'ai décidé de l'appeler « Le Monacoien », ce qu’il accepte très bien car ça le fait rire. Ce qui l’a moins fait rire c’est quand il s’est rendu compte un jour qu’en tant que Monégasque, il aurait pu choisir de faire son service à Monaco et donc ne pas le faire, ou juste un tout petit truc, je ne me souviens plus. Mais bon, maintenant, il est là, c’est trop tard, il doit finir son service.

Petite digression : sur nos magnifiques tenues militaires, nous avons sur la poitrine, à peu près au-dessus du cœur, un emplacement pour mettre un scratch avec notre nom dessus, histoire que les militaires arrivent à nous différencier.
Un des jeux favoris des gradés quand ils punissent quelqu’un est de lui arracher le scratch de son uniforme, avec force intensité dramatique. A chaque fois, on dirait qu'ils nous refont la dégradation du Capitaine Dreyfus dans la cour de l'école militaire !

Toujours est-il qu'il a dû y en avoir un ou deux parmi les appelés qui n'ont pas apprécié. Et qui se sont plaints en douce. Car un jour ou nous étions alignés en rang d’oignons comme des cons par sections devant l’hébergement, comme tous les jours avant le début de notre torture quotidienne, une aspirante demande notre attention, puis commence à nous sortir un discours alambiqué sur le fait que le « dégrafage » n’est pas conçu comme une humiliation personnelle, et qu’il ne faut donc pas se vexer si un gradé vous le fait. Non, tu penses, on t’arrache juste ton nom puis on le jette par terre comme une merde, mais à part ça, c’est pas dutout une humiliation personnelle.

Tiens, en parlant des aspirants. Comme je l’ai déjà dit, personne ne porte cette bande de cons dans son cœur, à part une ou deux aspirantes auxquelles pas mal d’appelés pensent fortement mais pas dans leur cœur, plutôt sous la douche. Enfin bon, bref, à part ça, comme je l’ai dit, on ne les aime pas. C’est facile, pour moi, ils sont un peu l’équivalent des collabos pendant la deuxième guerre mondiale. Au lieu d’être des trouffions lambda, comme nous, ces salopards ont choisi de collaborer avec l’ennemi pour avoir un meilleur sort, exactement comme les collabos.

En plus, il faut bien dire ce qui est, les ¾ d’entre eux sont des connards finis. Il y en a surtout un que l'armée doit faire fantasmer, car il n’arrête pas de nous dire que au moins, chez les militaires il y a de l’ordre, pas comme dans la société civile ou c’est le bordel. C’est lui qui m’avait ordonné d’aller me refaire couper les cheveux.

Je me souviens du nom d’un seul de ces aspirants : l’aspirant Tissot. Et vous savez pourquoi je me souviens de son nom ? Parce qu'il est très très con, et que j'ai pris l'habitude de ma foutre de sa gueule !
Comme je l’ai dit plus haut, les militaires ont un nom différent pour tout. Et bien pour les expressions courantes, c’est pareil, ils ont les leurs. Par exemple, la plupart des militaires ne disent pas « OK », mais « OKA ». Et c’est le cas de l’aspirant Tissot. Mais, en plus, lui, il ne le dit pas, il le hurle à tout bout de champ. Et comme c’est un petit rouquin d’environ 1,50 mètre, c’est très comique. Dès qu’on nous explique quelque chose, Tissot repasse derrière en hurlant «Est-ce-que-c’est-OKA-messieurs ??? », en détachant bien chaque syllabe au cas où on aurait tous été des débiles profonds, et nous on doit se retenir de rire et hurler « Oui ! » en retour.

Or donc, un jour ou nous sommes tous dans la chambre avec les copains, l’ambiance est particulièrement morose. On est affalés sur les lits, crevés, en silence. Et tout d’un coup j’ai comme une illumination. Je me dresse comme un ressort, je mets mon visage à 5 cm de celui de Rémy, et je me mets à hurler : «Est-ce-que-c’est-OKA-messieurs ???». Un énorme éclat de rire part dans toute la chambre, moi y compris. On est tous morts de rire ! Et moi je continue de hurler de plus belle « OKAAAAA !!! ». Je crois qu’on n’a jamais autant rigolé que ce jour-là. En fait, je pense que c’est toute la tension nerveuse accumulée qui a enfin trouvé une façon de s’évacuer. Et putain, qu’est-ce que c’est bon !!

Mais presque immédiatement, l’un d’entre nous (je ne me souviens plus lequel) me fait remarquer qu’il y a des ouvertures d’aération dans la chambre, et que si ça se trouve, on peut nous entendre dans les autres chambres, voire même à la semaine, là ou se trouvent les gradés parmi lesquels il y a… l’aspirant Tissot ! Bonjour la parano !

lundi 21 décembre 2009

Chapitre 5 : Coupe règlementaire

Le rôle des gradés est donc de nous apprendre la vie militaire. Première chose : la marche au pas. Et oui, comme les Nazis. Non, j’exagère, comme toutes les armées du monde, en fait. Ça à peut-être l’air facile quand on voit ça à la télé dans les défilés militaires, mais en fait c’est super dur. Surtout quand dans ton groupe tu as des cons qui ne respectent pas les consignes. Et le pire, c’est que les sergents qui nous font les classes, sont notés en se basant sur nos performances. Inutile de dire qu’il leur arrive de s’énerver assez rapidement.

Nous voilà donc en train d’apprendre à marcher au pas, de marcher en long, en large et en travers tout au long de cette putain de base. En fait, non. Nous marchions dans un secteur délimité autour de l’hébergement T2. Ah oui, j’ai oublié de vous le dire, c’est le nom du charmant bâtiment qui nous abrite. Et comme nous faisons nos classes, nous avons une zone délimitée ou nous pouvons nous déplacer, toujours accompagnés d’au moins un de nos sergents. En fait, nous ne voyons de la base aérienne qu’un minuscule bout. Nous allons de l’hébergement T2 à la cantine, ou aux salles de classe. C’est tout. De temps en temps, bien sûr, nous allons à d’autres endroits. Pour nous entraîner au tir, ou pour voir de près les avions.
Mais sinon, les 3/4 du temps, notre horizon est assez limité.

La marche au pas, donc. Le problème, quand on s’entraîne à faire de la marche au pas par -5°, c’est qu’il gèle. Et que donc les flaques d’eau gèlent. Et qu'elles deviennent des patinoires. Et quand vous devez balancer les pieds en cadence et avec dynamisme, croyez-moi, ça devient un énorme problème. Parce que vous glissez sur ces putains de flaques gelées qui sont de véritables patinoires. Je ne suis moi-même jamais tombé, mais j’en ai vu pas mal s’étaler. Notamment, un jour, un dom appelé Dalmasie qui s’est étalé de tout son long vers l’arrière, la tête la première. Un des sergents s’est précipité vers lui pour lui demander si il allait bien, et coup de chance, il était un peu sonné, mais à part ça, il allait bien.

Alors là, vous me dites : mais c’est quoi un dom ? Et là je vous dis de vous mêler de ce qui vous regarde. Non, je plaisante ! Et je vais d’ailleurs vous expliquer tout de suite ce qu’est un Dom.
En fait c’est très simple : un dom, c’est un appelé qui vient des Dom-toms. Des territoires d’outre-mer. Je n’ai jamais su pourquoi on les appelait dom, on aurait aussi bien pu les appeler tom. Quoi que, c’est vrai que c’est plus débile tom, ça fait oncle tom. Dom c’est plus neutre. Ça doit être pour ça.

Mais il n’y avait pas que les doms. Il y avait aussi un autre type d’appelés un peu spéciaux. Eux, ils s’appelaient des coopérants où un truc comme ça. En fait c’étaient des appelés comme nous, mais qui avaient fait avant leur service des stages de préparation au service tous les week-ends pendant au moins un an. Et donc, quand ils venaient faire leur service, ils s’y connaissaient déjà un peu, et ils n’étaient pas simples troufions comme nous, les pauvres cons d’appelés normaux. Non, ces messieurs étaient caporal, ou des conneries comme ça, et au lieu d’être avec nous, ils logeaient avec les officiers et ils nous dirigeaient. Inutile de dire que nous ne les portons pas dans notre cœur.
Au début, comme tout les monde, je croyais que c’était des militaires comme les autres. Au fur et à mesure, on s’est rendu compte que ce n’étaient que de sales collabos, et inutile de dire qu’ils ne sont pas remonté dans notre estime, où ils sont déjà très bas, vu que à nos yeux ce sont des militaires.

Mais il y a quand même un truc qui m’intrigue. C’est que parmi ces aspirants (ça y est, j’ai retrouvé leur nom exact), il y a aussi des filles. Et là, j’avoue être quand même intrigué : elles ne font quand même pas ça pour avoir un meilleur service militaire, puisqu’en France, les femmes n’ont jamais fait le service militaire (bonjour l’égalité des sexes !). Et en fait, plus tard, en discutant avec des anciens, on a appris que ces filles avaient en fait fait polytechnique gratuitement ou quelque chose comme ça, et que pour rembourser l’état français de cet investissement colossal, elles doivent servir pendant un certain temps à l’armée (un an, je crois). Mais en tant que gradées, bien sûr, pas en tant que simples soldates. Imaginez ces pauvres filles livrées à des centaines de jeunes appelés en rut, à mon avis l’armée aurait eu quelques légers petits problèmes de viol.
Elle sont donc gradées et logent avec les gradés, mais elles ne sont pas militaires de carrière. Parce qu’il y en a, des femmes militaires de carrière. Mais ceci est une autre histoire.

On passe donc nos journées à marcher de long en large de cette putain de base, à apprendre des conneries militaires dont je n’ai gardé aucun souvenir, et à faire des trucs militaires. Comme trucs militaires dont je me souviens, on a fait : simili guerre dans les bois avec fusils famas chargés à blanc (avec rations militaires et tout), tirs sur cibles à balles réelles (première fois de ma vie que je tenais une arme chargée dans les mains !) et d’autres conneries dans le genre.

Donc, pendant ces saletés de classes, il faut apprendre à marcher au pas, et comme je vous l’ai dit, ça gêle un max. D’ailleurs, un jour, on devait aller s’entraîner, et dehors il y avait une tempête de neige. Vraiment, c’était horrible, ça tombait, ça tombait, on n’y voyait pas à un mètre. Et nous, on regardait ça par les fenêtres, dégoûtés, parce qu’on savait que bientôt on allait se retrouver là-dessous. Sur ce, un de nos deux sergents arrive et nous dit « Bon, écoutez les gars, on va rester à l’intérieur et on va réviser la théorie, parce que là, ça tombe vraiment trop, ça sert à rien d’aller s’entraîner là-dessous ». Un discret « ouf ! » de soulagement fut poussé par toute ma section, et c’est à cette occasion que je me rendis compte que les gradés aussi étaient des êtres humains. Ils étaient comme nous en fait, ils ne voulaient pas aller se les geler.

Une des premières choses qu’ils ont fait quand les classes ont commencé, c’est de nous faire couper les cheveux. Mais attention, ici c'est à l’armée de l’air, donc ce n’est pas la boule à zéro. Et même, ceux qui ont une moustache ou une barbe avant de venir au service peuvent la garder, raisonnablement taillée, bien sûr. Je dois avouer que ça m’a vraiment étonné, moi j'étais sûr que ça allait être la boule à zéro pour tout le monde.
Donc, un jour, au début des classes, ils nous emmènent dans une grande salle située juste en dessous de la cantine. Et là, ils nous livrent aux mains expertes des apprentis de l’école de coiffure du coin. Or, ce qu’ils ne peuvent pas savoir, c’est que j’adore aller au coiffeur. J’adore me faire couper les cheveux. C'est donc pour moi un pur moment de bonheur dans cet océan de misère qu'est mon service militaire. Et le plus beau, c’est que quand je me suis levé, à regret, de la chaise du coiffeur, un aspirant (très con) m’a interpellé « Hep, aviateur ! C’est pas assez court ! Rasseyez-vous ! » Et moi d’obtempérer immédiatement. Je pense que si il avait su le bonheur qu’il me faisait là, il se serait abstenu. Mais toujours est-il que je suis donc retourné me faire couper les cheveux, en dissimulant ma satisfaction, bien sûr, je ne suis pas idiot non plus.

Ce fût malheureusement une des rares éclaircies dans cette période horrible que furent les classes. Car à cause des grèves, nous sommes restés cantonnés dans cette putain de base 3 semaines sans rentrer chez nous. Inutile de dire que ça a été très dur, en tout cas pour moi. Pour dire la vérité, j’avais l’impression d’avoir été mis en prison.

Si on y réfléchit bien, le parallèle est évident. Un univers clos, avec une privation de liberté, ou chacun de vos gestes est dirigé et réglementé sauf quand vous êtes dans vos chambres (les cellules). Oui, c’est vraiment l’impression que j’avais. Et j’étais dégoûté. J’ai toujours été un citoyen au-dessus de tout soupçon, obéissant aux règles et à l’autorité comme me l’avaient inculqué mes parents, et voilà ma récompense, on me fout en taule ?!?

J’avais vraiment beaucoup de mal à m’y faire. Je ressentais cela comme une énorme injustice, et pour tout dire, j’avais des envies suicidaires. Je vous l’ai dit, je n’étais jamais sorti du cocon familial, et pour moi, ce début de service représentait un choc d’une violence inouïe. Heureusement, il y avait les copains, et surtout les copains de ma chambre et de ma section. Mais vraiment, au niveau des copains de la chambre, j’avais eu beaucoup de chance, parce qu’il n’y avait pas un con dans le lot. On s’entendait tous très bien. Ils me redonnaient du courage, et on rigolait bien ensemble.

Une autre chose qui me permettait de tenir, c’était les coups de fil à ma famille. Il y avait une cabine téléphonique juste devant le bâtiment, et le soir, tout les monde faisait la queue pour appeler (eh oui, c’était avant l’avènement du portable-roi) avec sa carte téléphonique. J’appelais tous les jours car cela me réconfortait d’entendre les voix de toute ma famille que j’aime. Eh oui, on est très famille chez moi.

lundi 14 décembre 2009

Chapitre 4 : Hébergement Militaire

Mais, les premières choses en premier, comme disent nos amis anglo-saxons. Laissez-moi vous décrire le merveilleux bâtiment ou nous sommes logés. Il s’agit, je l’ai dit d’un bâtiment conçu et construit pour loger des militaires. Le moins qu’on puisse est que le confort est spartiate. Il est assez grand et il y a deux étages, si mes souvenirs sont bons. Devant le bâtiment, il y a une esplanade assez large pour pouvoir rassembler des gens en rang d’oignons. On peut pénétrer dans le bâtiment par trois portes. Il y en a une sur chaque côté, et une au milieu. C’est celle-ci qui nous intéresse car il s’agit de la porte principale qui donne sur la « semaine ». Une fois à l’intérieur, on peut monter ou descendre, car il y a aussi des chambres en dessous, au rez-de-chaussée. Quand on monte les 7 ou 8 marches vers le haut, on atterrit directement sur la semaine. L’une des principales fonctions des gradés qui occupent la semaine, à part nous faire chier, bien sûr, est de nous donner les clés de nos chambres.

Laissez-moi vous expliquer comment ça marche. Pour avoir la clé de sa chambre, il faut se présenter à la semaine, frapper à la porte, saluer, attendre qu’on vous donne la parole, annoncer le n° de sa chambre, donner son badge nominatif à l’officier, qui vous donne la clé de votre chambre en échange. Et donc l’inverse pour récupérer son badge le matin quand on part pour la journée. Inutile de dire que cette règle nous était répétée à longueur de temps, comme l’étaient les inévitables sanctions qui s’abattraient telle la misère sur le pauvre monde si jamais nous perdions nos badges.
Car il faut savoir que sur une base militaire, personne ne va nulle part sans badge. Même les visiteurs occasionnels ont droit au leur. Et le nôtre doit nous faire 10 mois.

Une de mes plus grandes hantises était donc de perdre mon badge. Et comme je suis bonne poire, c’est moi qui, le plus souvent, vais à la semaine échanger mon badge contre la clé de la chambre. Mais ces connards de gradés nous gardent dans un état de stress tel que, un jour, j’ai pété les plombs.
Comme je lai déjà dit, la semaine était située au début du couloir, et ma chambre était à la fin du couloir. Un jour, donc, j’ai été chercher la clé, j’ai parcouru le couloir, et arrivé devant la chambre avec mes colocataires, j’ai vérifié, comme je le fais souvent machinalement, si j’avais bien mon badge accroché sur ma poche poitrinale gauche. Et là j’ai vu qu’il n’y était pas. Et j’ai pété les plombs. Je me suis mis à hurler « Je l’ai perdu ! J’ai perdu mon badge ! Il était là ! Où est-ce-qu’il est ! Je l’ai perdu ! Y vont m’tuer !! ». Et ce sont les copains qui, immédiatement, m'ont dit de me calmer, et m’ont surtout rappelé que j’avais échangé mon badge contre la clé de la chambre une minute avant. Seulement voilà, j’étais tellement stressé par toute la situation et l’atmosphère militaire, et par la répétition constante des sanctions qu’on se mangerait sur le coin de la gueule en cas de perte du badge, que j’avais complètement oublié que c’était moi qui avait été chercher la clé. Inutile de dire que mon soulagement fût à la hauteur de mon angoisse.

Mais je trouve que cet exemple illustre bien les effets du stress et des situations stressantes sur les gens, et je comprends mieux maintenant certaines informations qu’on peut voir dans les journaux sur des gens qui pètent les plombs. Il suffit de vraiment pas grand-chose !
Rendez-vous compte, il m’a suffit d’un peu moins d’une minute, le temps de parcourir un malheureux couloir d'une centaine de mètres, pour complètement oublier que j’avais échangé mon badge contre la clé et péter les plombs d’une façon cosmique. C’est quand même dingue !

Mais revenons à nos moutons. Dans le merveilleux bâtiment militaire où nous logeons, il y a donc des chambres. Et moi et mes potes sommes locataires d'une de ces charmantes grandes pièces au charme suranné, située au 1er étage juste en face d'un des trois cabinets de toilettes de l'étage. Laissez-moi vous décrire notre petit nid douillet. Il s’agit, je l’ai dit, de chambres construites dans une optique militaire. Autant dire que la notion de confort est appliquée du point de vue des Spartiates, ces grands épicuriens de la Grèce antique. C'est-à-dire le minimum syndical. Six lits, six armoires, point barre. Ah non, j’oubliais, il y a aussi une grande table au fond de la chambre, avec 4 chaises.
Comme je lai dit précédemment, ce sont des bâtiments assez anciens, et la chambre est donc assez grande et haute de plafond. Ce qui est d’ordinaire assez appréciable, mais qui l’est beaucoup moins quand il fait -5° dehors et que la dite chambre est mal chauffée. Autrement dit : on se les gèle !
Surtout dans les jambes. Encore, sur le haut du corps, on peut mettre plusieurs couches de vêtements (1 sous-pull, 1 pull, et le vêtement militaire), mais dans les jambes, à part des chaussettes, zob ! C’est pour ça que j’ai énormément apprécié les « collants » que les militaires nous avaient filés et que je ne les ais pratiquement pas enlevées durant toutes mes classes. Ah oui, ça schlinguait. Mais croyez-moi, je n’étais pas le seul à schlinguer.

Et qu’est-ce-qu’on fait donc pendant nos classes ? Eh ben on apprend à être un soldat. Et qui c’est qui nous apprends à être des soldats ? Des gradés bien sûr.
Les gradés, donc. Des militaires. Des têtes de cons, quoi. On était divisés en groupes, et chaque groupe se voyait attribuer deux sergents, qui étaient chargés de nous enseigner les rudiments de la vie militaire. Après, il y avait les gradés au-dessus, comme sergent-chef, capitaine ou lieutenant, mais ceux-là, on ne les voyait pas beaucoup pendant les classes.
On nous avait donc affecté deux sergents. Pour être honnête, ils n’étaient pas totalement cons, et un des deux était moins con que l’autre.

lundi 7 décembre 2009

Chapitre 3 : Vous qui entrez ici ...

Je me retourne et je regarde la base. Elle est située à 5-6 km après la sortie de Toul. Il y a plusieurs bâtiments les uns à coté des autres qui ressemblent à ces HLM cheaps construits au début des années 70 pour loger les immigrants comme mes parents. Oui, car je suis fils d’immigrants portugais et fier de l’être. Je ne l’ai pas toujours été, mais aujourd’hui j’assume pleinement.

Mais revenons à la base. Elle est bien comme je me l’imaginais, froide et moche, mais ce je n’avais pas imaginé, c’est à quel point cette saloperie serait grande. Ce truc est immense ! Il y a des kilomètres de bâtiments. Et c’est là que je me dis que c’est logique, c’est quand même un endroit d’où on fait partir des avions, donc une sorte d’aéroport, et un aéroport c’est pas petit.

Toujours est-il que je me retrouve dans un bâtiment, assez ancien et moche, qui comporte 2 étages. Ce sont des bâtiments plus anciens que ceux que j’ai vu à l’entrée de la base, ceux-là doivent bien dater du début du 20ème siècle. Ce sont des bâtiments militaires, conçus et construits pour ça. Chaque étage comporte un long couloir d’environ 100 mètres, avec de chaque coté du couloir des chambres (il doit y avoir au moins 20 chambres), et au début de ce même couloir, « la semaine », devant laquelle je me retrouve à faire la queue. «La semaine », c’est en fait le nom qui est donné au bureau des officiers supérieurs qui vont nous diriger pendant ce qu’on appelle nos classes. En effet, le premier mois du service militaire est destiné à nous apprendre les bases de ce qu’il faut savoir pour être un soldat. C’est ce qu’on appelle les classes. Et je ne me doutais pas combien elles seraient dures.

Je fais donc la queue derrière d’autres gars qui ont la même tête de chien battu que moi. Et là, j’ai ma première confrontation avec l’autorité militaire. Un gradé qui passe dans le couloir devant notre file de pauvres hères m’aboie dessus : « Enlevez les mains de vos poches ! », ce que je m’empresse de faire vu que c’est demandé si gentiment. Une fois à l’intérieur du bureau, on me dit que je fais partie du contingent 95/12. Puis on me donne un badge à mon nom avec ma photo dessus et la date de la fin de mon service, à savoir le 30/09/96. On m’explique ensuite que je suis affecté dans telle chambre (je ne me souviens plus du numéro !). Je me dirige donc d’un pas lourd vers ma chambre. Je m’arrête devant la porte et je frémis. Je suis quelqu’un de très timide et qui déteste la promiscuité. J’ai ma propre chambre depuis l’âge de 12 ans. Inutile de dire que la perspective de devoir dormir avec 4 où 5 autres gars dans la même chambre ne m’enchante guère.
Je me décide à ouvrir la porte, et là je tombe direct sur un mec ! Merde ! Moi qui espérait avoir ne serait-ce que quelques instants de tranquillité, c’est foutu. Bon, il ne me reste plus qu’à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Je me présente donc.

- Salut, moi c’est Bruno.
- Salut, moi c’est Rémi, me répond-il.

Pour être honnête, le reste de la journée est assez floue dans mon souvenir, mais toujours est-il qu’à la fin de la journée nous sommes 5 dans la chambre. Il faut préciser que ce sont des chambres de 6, il y a donc un lit de libre. Mes autres compagnons sont : Mick, Jerry, et Arnaud. Pour Mick et Jerry, ce ne sont pas leurs vrais prénoms, c’est moi qui les baptise comme ça, ils s’appellent en réalité Jérôme et Mickey. Mais j’aime bien rebaptiser les gens avec des noms plus rigolos, et coup de chance, ils l’acceptent parfaitement. Tout comme Rémi, que je rebaptise « Rémaille », en prononçant le I à la fin de son prénom à l’anglaise.

Avec Rémi, Mick, Jerry et Arnaud nous nous mettons donc à discuter, et nous arrivons très vite tous à la même conclusion qui nous soulage tous : aucun d’entre nous n’est un fouteur de merde, et nous avons tous l’intention de ne pas faire de vagues et de passer un service militaire le plus tranquille possible. Rémy et Jerry se découvrent tout de suite un point commun, ils sont tous les deux de Montargis, à côté d’Orléans. Je ne me souviens plus d’où est Mick, mais Arnaud lui, est le seul à être du coin, il est de Lorraine. Ce qui lui fait une belle jambe vu que, à cause de la grève, les gradés ont décidé que les appelés qui font leurs classes (c'est-à-dire nous), ne rentreraient pas chez eux pour le week-end comme cela se fait habituellement car il y a trop de grèves et donc de risques d’arriver en retard à la base.

Quand ils nous disent ça, je réalise alors que nous allons rester enfermés dans cette putain de base pendant minimum un mois (la durée de nos classes) ! Inutile de dire que le moral, qui était déjà au 36ème dessous, en reprend un bon coup.

Je ne me souviens pas de ma première nuit, mais par contre, je me souviens de mon premier réveil. A 6h00 du matin, on entend une voix nasillarde hurler dans des haut-parleurs : « Réveil des aviateurs ! Réveil des aviateurs ! ». Je m’extirpe des brumes du sommeil en me disant « Mais qu’est-ce-que c’est que ces conneries ? y’a pas d’aviateurs ici ! Un aviateur c’est un gars qui pilote un avion !» Et c’est là que ça me frappe : c’est nous les aviateurs ! Comme dans l’armée de terre on appelle les appelés « soldat », et bien dans l’armée de l’air on les appelle « aviateur ». Je peux vous dire que au début, ça fait bizarre de s’entendre appeler aviateur à tout bout champ. Mais bon, c’est un coup à prendre, et au bout de quelques temps, on s’habitue.

Toujours est-il que à 6h15, la même voix assène dans les mêmes haut-parleurs la phrase définitive « Réveil et lever des aviateurs ! Réveil et lever des aviateurs ! ». Et là on est bien obligé de s’extirper à regret de la chaleur de son petit lit douillet. Oui, car il fait très froid en Lorraine, et là en plus on était au mois de décembre. On se gelait. Et inutile de dire que ces baraques militaires n’étaient pas super bien chauffées. Je crois que je n’ai jamais eu aussi froid de ma vie que pendant ces premiers mois d’armée, de décembre à mars. Parce que il faut aussi que je vous précise que les bases aériennes sont construites en hauteur, là où il y a le plus de vent, rapport aux avions. Alors ce vent, plus le froid, plus la neige, ça fait quand même beaucoup pour quelqu’un comme moi qui suis frileux.

Après le réveil matinal et le petit déjeuner, on nous emmène dans une sorte de hangar ou on va nous donner notre barda, c'est-à-dire tout le nécessaire pour s’habiller en militaire. On arrive donc dans ce hangar, on nous donne un caddie, et on est obligés de se mettre en slip et chaussettes pour voir si les vêtements nous vont à peu près. Inutile de dire que le hangar n’est pas chauffé, et qu’on se gèle grave. Toujours est-il qu’après avoir fait le tour du hangar et des comptoirs, on est habillés pour 10 mois. On a tous : un treillis, un calot, une parka, une ceinture, des bottes, un costume bleu avec une cravate bleue, etc …

Mais, l’objet le plus important, ce qui va vraiment me servir pendant tous ces mois de souffrances glaciales, ce sont des espèces de collants en laine qu’ils nous donnent pour mettre sous le pantalon pour avoir chaud. Ces trucs ne m’ont pratiquement jamais quitté pendant tous ces temps de froidure. Parce qu’il faut savoir qu’un pantalon de treillis, c’est pas très épais, c’est quand même fait pour pouvoir se battre dans la jôngle, et c’est donc fait dans du tissu assez souple. Alors inutile de dire que quand ça caille et qu’il y a du vent, on le sent bien. Ces « collants » étaient donc, tout du moins en ce qui me concerne, une bénédiction du ciel.


lundi 30 novembre 2009

Chapitre 2 : Nancy-ochey

Chose promise, chose dute ! Nous sommes lundi, et voici donc le deuxième chapitre de mes aventures dans l'armée.


Chapitre 2 : Nancy-ochey

28 avril 1995. Le jour de mes 23 ans. Je savais bien que j’avais épuisé tous mes recours et que le service militaire me tendait les bras. Mais je ne me doutais pas à quel point. Car quelques jours plus tard, début mai 1995, je reçus la missive tant redoutée qui m'annonçait que, ayant été reconnu apte lors de mes 3 jours, j’avais donc été affecté pour faire mon service militaire à la base aérienne de Nancy-ochey à dater du 5 décembre 1995.

Première réaction : une base aérienne ? J'étais affecté sur une base aérienne ? Mais alors j'allais faire partie de l’armée de l’air ! Comme Tanguy et Laverdure !!! Alors ça, je ne l’avais jamais envisagé. J’avais toujours pensé que j’allais me retrouver à l’armée normale, l’armée de terre, quoi.

Deuxième réaction : mais où qu’c’est-y donc Nancy-ochey ? Après quelques recherches, je me rendis compte que la base de Nancy-ochey était située... en lorraine... Et là je me dis « Mais la lorraine, c’est pas cette région qui est située juste à coté de … l’Allemagne ??? ». Je devais découvrir par la suite que c'était en fait plus près du Luxembourg, mais ne pinaillons pas. Nom de dieu, j’avais pas été affecté en Allemagne, mais c’était pas passé loin ! Et puis c’était au moins à 300 bornes de chez moi (en fait, plus de 350) ! « Et puis il fait froid en lorraine, c’est à l’est. Merde, je vais me les geler ! » que j'me dit. Je ne me doutais pas que j'étais encore en-dessous de la vérité ! Mais n’anticipons pas.

Toujours est-il que lentement, mais sûrement, la date fatidique se rapprochait. Le 5 décembre 1995. Décembre 1995 … ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, les grandes grèves de décembre 95, la France entièrement paralysée par une vague de protestations contre le retournement de veste de Chirac. Élu sur le thème de la fracture sociale, il venait de faire un discours où il faisait une volte-face complète et nous promettait des lendemains libéraux qui chantent. Les Français ayant assez peu apprécié de s’être fait entuber de la sorte se sont alors révoltés. Résultat : une grève cosmique comme on en avait pas vu depuis 1968.

Je suis généralement à fond pour les grèves. Mais là, j’avais un sérieux problème : je devais être à la base aérienne de Nancy-ochey le 5 décembre 1995 sans faute, faute de quoi j'aurais été considéré comme déserteur. L’armée, dans sa grande générosité, m’avait envoyé avec ma convocation un billet de train. Mais comme je vous l'ai dit, les trains ne circulaient pas. En fait, le gros problème, c’était surtout que je ne savais pas si, au cas où j’arriverais en retard, ils me rajouteraient des jours d’armée en plus ! Parce qu'ils en étaient bien capables, les salauds ! Et il était hors de question que ça m'arrive ! J’étais déjà assez dégoûté de devoir faire mes 10 mois de service, je m’étais juré que je n'allais pas en plus faire du rab. Après en avoir discuté avec mon père, nous décidâmes donc d’aller à la gendarmerie d’Asnières, la ville collée à la nôtre (Bois-colombes) car chez nous il n’y a pas de gendarmerie, pour voir si ils pouvaient nous dire quoi faire. Oui, parce que tout le monde ne le sait pas, mais les gendarmes sont des militaires, et ils étaient donc peut-être susceptibles de pouvoir me renseigner.

Et c'est ce que nous fîmes dès le lendemain matin. Dès notre arrivée, je m'aperçus vite que nous n'étions pas les seuls à venir nous renseigner pour des sujets militaires. Il y avait là pas mal de gars qui avaient environ mon âge, accompagnés de leurs pères respectifs. On pouvait lire sur leur visages (comme sur le mien, je suppose) la sourde angoisse qui tordait leurs entrailles. Après un certain temps d'attente, ce fut enfin notre tour.

Voilà à peu près ce que donna la discussion avec le Gendarme de service :
- Bonjour, voilà, je suis convoqué pour le 5 décembre à la base de Nancy-Ochey pour commencer mon service militaire. Mais avec la grève des trains qu’on a en ce moment, j’aimerais savoir si on vous a dit si on pouvait arriver un peu en retard sans risque de représailles de l’armée ?
- J’sais pas.
- Mais on ne vous a rien dit, la hiérarchie militaire ne vous a pas donné d’instructions à transmettre aux appelés ?!?
- J’sais pas moi. Y faut essayer d’êt là l’jour qui z’ont dit.
- Ookayyy …. Et bien écoutez, merci pour votre aide précieuse !
- De rien !

Inutile de vous dire que nous repartîmes de la Gendarmerie passablement énervés par l’incompétence de ce débile et pas plus avancés qu’avant. Et là, sur le chemin du retour, mon père me dit : « Écoute, ça fait rien, on ne va pas prendre de risques, je vais t’emmener moi-même à la Base ». Il faut que je vous précise que mon père était (avant de prendre sa retraite) chauffeur de taxi. Donc, pour lui, m’emmener, c’était perdre une journée de salaire. Et une journée de salaire c’est très important quand on à 4 enfants (moi et mes 3 sœurs) à élever. Mais pour mon père, il n’y avait même pas à discuter. Il ferait n’importe quoi pour ses enfants et si il fallait faire 700 bornes dans la journée pour m’emmener à l'armée, et bien il le ferait, point barre.

La journée tant redoutée arriva enfin. Mes parents et moi nous nous étions levés aux aurores. Ma mère avait préparé mon sac avec toutes mes petites affaires. Vérifications de dernière minute pour voir si j'avais bien ma convocation, mon billet de train (des fois qu'ils me le demandent, ces cons). Bon,ben, tout était bien là. Inutile de vous dire que j'étais passablement ému, mais il était hors de question que je pleure, je suis quand même un homme, on a sa fierté ! Je fis donc la bise à mes sœurs, puis à ma mère. Et nous partîmes. Le voyage se déroula sans incidents notables, et pour tout dire, je ne m’en souviens pas vraiment. Ce dont je me souviens, par contre, c’est de l’arrivée. Nous arrivâmes enfin dans la région de la base. Après avoir tâtonné un peu, un quidam finit par nous dire que la base aérienne était située après la sortie de la ville de Toul.

Premier étonnement, vu que la base s’appellait Nancy-ochey. Je pensais donc qu'elle était située à coté de la ville de Nancy. Comme je devais le découvrir plus tard, c’était en fait le nouveau Colonel de la base, arrivé récemment, qui l’avait rebaptisée ainsi. L'ancien nom de la base était Toul-ochey. Mais il faut bien dire ce qui est, Nancy-ochey ça pète plus !
Franchement, qui est-ce qui connaît Toul ? Alors que Nancy, c’est plus connu. Si vous dites à quelqu'un « je suis affecté à la base de Toul-ochey » les gens disent « Hein ? », alors que si vous dites « je suis affecté à la base de Nancy-ochey » les gens disent « Nancy ? Ah ouais, ça m’dit quelque chose ». C’est du moins, je le pense, le raisonnement qui avait conduit à la renommure de la base.

Nous arrivâmes donc enfin à l’entrée de la base. Et là attention, ça ne rigolait pas. Il y avait une barrière collée à une guérite avec deux gars à l’intérieur, dont un qui portait une espèce de béret sur le côté et un fusil mitrailleur en bandoulière !
Il faut bien se dire que déjà et d’une, c’était une base militaire, donc à mon avis, il fallait montrer patte blanche pour rentrer, et de deux, à l’époque la France venait de subir des attentats, donc, sécurité méga maximum ! Je dois avouer que j'étais impressionné car c’était la première fois que je voyais un fusil mitrailleur en vrai. Je montrais alors mes papiers d'appelé au gars dans la guérite. Après les avoir examinés, il nous dit que moi je pouvais rentrer, mais pas mon père. J’ai donc enlevé mon gros sac avec mes affaires du coffre de la voiture et j’ai embrassé mon père, le cœur gros. Mon cœur continua à grossir quand après un dernier au revoir, je vis la voiture de mon père s’éloigner sur la route jusqu'à devenir un point qui disparaissait au loin ...

lundi 23 novembre 2009

Chapitre 1 : Les 3 jours

Bon, ben voilà, j'ai décidé de raconter mon service militaire sur un blog. Peut-être que ça intéressera quelqu'un.

En tout cas, histoire de bien me mettre la pression et de me forcer à écrire, je m'engage à publier un nouveau chapitre tous les lundis, qu'il pleuve, qu'il vente, ou qu'il neige.

Voici donc le premier chapitre avec une petite intro avant.


Introduction

En exclusivité mondiale, et puisque absolument personne ne me l’a demandé, je m’en vais vous raconter la fabuleuse et plus ou moins véridique histoire de …. Mon service militaire ! Mais non, je plaisante ! Cette histoire n’est pas plus ou moins véridique, elle est totalement vraie ! Je n’ai même pas changé les noms et les prénoms pour protéger les innocents !

Je m'en vais donc vous parler d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître : la glorieuse époque du Service Miliaire. Mais qu'est-ce-t'il donc que le service militaire, me diront nos amis geeks qui passent 37 heures par jour devant World of Wracraft ?
Et bien le service militaire, c'était une période, généralement vers les 18 ans, où les garçons (pas les filles, hein ! Bonjour l'égalité des sexes !!) devaient aller servir leur mère patrie pendant un an. Bon, en fait, c'était uniquement pour faire baisser les chiffres du chômage.
Ben oui, les gars qui faisaient leur service chaque année, c'était autant de gars qui étaient considérés comme travailleurs pendant un an, et donc ça faisait un peu baisser les statistiques du chômage.

Enfin bref, pendant un an, on se retrouvait donc habillé en Kaki, à faire des conneries pour passer le temps. Non, j'exagère, quand j'y ai été, Mitterand avait eu la générosité de réduire le service militaire de 2 mois ! Il était passé de 1 an à 10 mois !! Non, mais franchement, si ça c'est pas du foutage de gueule !! Le passer de 12 mois à 10 ! Si encore il l'avait réduit de 6 mois ! Mais là, c'était vraiment une mesure naze, aucun intérêt !
Mais bon, revenons au sujet qui nous préoccupe (en tout cas qui me préoccupe, et si ça vous intéresse pas, tant pis, parce que c'est moi qui raconte !)

Donc, mon service militaire. D’abord, il faut que je vous avoue une chose : je ne suis pas la personne la plus téméraire du monde. Je suis même très casanier. Pour moi, le fait d'aller à la boulangerie qui est à 100 m de chez moi constitue déjà un effort quasi-surhumain. Il est donc inutile de vous dire que je n’étais pas du tout impatient de me retrouver à des centaines de kilomètres de chez moi entouré d'inconnus avec qui j'allais devoir passer 10 mois de ma vie !!! En plus, j'étais pas trop fan des militaires, que j'avais toujours trouvés très très cons. Et, cerise sur le gâteau, j'étais (et je suis toujours) très frileux. Ma plus grande peur était de me retrouver à faire mon service militaire dans une caserne perdue au fin fond de la forêt noire en Allemagne par -15 degrés. Oui, parce qu'on pouvait aussi faire son service militaire en Allemagne. J'ai jamais compris pourquoi, mais je n'avais aucune envie que ça m'arrive. J’avais donc usé de toutes les possibilités de recours pour retarder au maximum l’échéance, et ça avait plutôt bien marché.


Chapitre 1 : Les 3 jours

Mais malheureusement, tous les recours du monde ne pouvaient vous faire échapper aux fatidiques 3 jours (qui n’en duraient en fait que 1, voire 1 et demi au maximum) qui permettaient à l’armée de vous faire passer des tests physiques et psychologiques pour voir si vous êtiez « apte au service ». Le fameux « apte », qui faisait que c’était foutu, que vous alliez faire votre service quoi qu’il arrive.

Et donc, un jour fatidique, un de ces jours qui marque l'histoire, un de ces jours QUI FONT ET DEFONT LES EMPIRES … Bref, un jour, quoi, je reçus une lettre de l’armée française me convoquant sur la base de Blois pour faire mes 3 jours, lettre accompagnée d’un billet de train aller-retour. Coup de pot, j’étais convoqué le matin vers 9h00. Il y avait donc de fortes chances pour que je puisse rentrer chez moi à la fin de la journée et que je ne doive pas dormir sur la base pour finir mes tests le lendemain. Ma mère me prépara néanmoins un sac de voyage avec tout le nécessaire pour dormir, au cas où. Je ne vous cacherais pas que la perspective de devoir dormir dans une base militaire entouré d’inconnus ne m'enchantait guère. Mais bon, quand faut y aller, faut y aller. Et j'y suis allé, à ces putains de 3 jours.

J'ai donc pris le train un beau matin à destination de la belle ville de Blois. Pour être franc, la seule chose dont je me souvienne à propos du trajet, c'est qu'il m'avait semblé interminable, et que je m'était ennuyé comme un rat mort. Au bout donc de ce merveilleux trajet, nous arrivâmes enfin à Blois. Là, je ne souviens pas trop des détails, je me souviens juste qu’il y avait un car militaire à la gare qui était là pour nous emmener à la base où devaient avoir lieu nos trois jours. Par contre, je me souviens bien d'une chose qui m'avait étonné : la base était située en plein centre ville, alors que je croyais que les bases militaires étaient toujours situées en dehors des villes, juste à la lisière quoi.

L’ambiance était plutôt bonne. Il y avait des gars qui visiblement se connaissaient déjà et qui se saluaient chaleureusement. Je dois avouer que j’étais un peu jaloux, car comme je suis plutôt quelqu’un de réservé et que je ne connaissais personne, je n’ai pratiquement pas décroché un mot de la journée, sauf aux militaires qui nous aboyaient dessus. Mon premier gros choc eut lieu lors de l’appel. Une fois tous les cars arrivés, les militaires nous firent mettre en file indienne et entreprirent de faire l’appel pour voir si tous les gens convoqués étaient là. Normal. Sauf que à la fin de l’appel, un des militaires dit : « Est ce qu’il y a des gens qui veulent s’engager dans l’armée ? Si oui, qu’ils lèvent la main !» Et moi de me dire intérieurement « Tu peux toujours rêver, mon gars ! » Quelle ne fut donc pas ma surprise de voir des mains se lever à la question du militaire ! Au moins 5 où 6 des gars présents ! Le militaire leur dit alors de sortir des rangs et d’aller se mettre sur le côté et qu’on allait s’occuper d’eux.J e dois avouer que je n’en revenais pas ! Il y avait donc des gars de mon âge – je devais alors avoir environ 21/22 ans – qui voulaient s’engager dans l’armée ! Merde alors ! J’en étais sur le cul !
Le reste de la journée se passa en tests divers, plus débiles les uns que les autres, ou on testait notre audition, notre culture générale, etc …Un autre truc qui m’étonna : à la cantine, à l’heure du déjeuner, il y avait non seulement de l’eau mais aussi des fontaines à Coca et à Sprite. « Ben dis donc, que je m'suis dit, y se refusent rien à l'armée ! » On n’avait même pas ça dans la cantine de mon école ! Remarquez, moi je m'en foutais, j'ai toujours été un buveur d'eau, les boissons sucrées ne m'ont jamais attiré plus que ça. Sauf l'Ice Tea à la pêche, mais ceci est une autre histoire ...
Avant de commencer les tests de culture générale, un militaire nous avait dit de nous appliquer car meilleures étaient nos notes à ces tests, meilleur serait notre poste durant notre service militaire. La suite lointaine des évènements devait me prouver combien cette assertion était stupide.

Enfin bref, toujours est-il qu’à la fin de cette palpitante journée, il arriva ce que je redoutais : je fut déclaré apte au service militaire. Inutile de vous dire que j’avais le moral au trente-sixième dessous. J’étais assis sur un banc, en train d’attendre le car pour la gare et de déprimer sévère, quand arriva un autre gars de mon âge avec un large sourire. Il rayonnait de bonheur, et sans même que je ne lui pose la question, et bien que je ne le connaisse ni d’eve ni d’adam, il me déclara emphatiquement ce dont je me doutais : il avait été déclaré non-apte ! Forcément curieux (et jaloux !), je lui demandais comment il avait réussi ce tour de force. Il me répondit alors qu’il avait demandé à être vu par le psychologue de la base, et qu’il lui avait dit qu’il se droguait et qu’il ferait sûrement une overdose à l’armée si on le forçait à faire son service. Et ce simple bobard avait suffit à lui procurer le papier tant désiré : "réformé P4". Le fameux P4 ! Qui signifiait en fait « Réformé pour motifs psychiatriques ». Je sais que cela ne dira rien au plus jeunes lecteurs, mais pour tout ceux qui ont au moins 30 ans, l’expression P4 était archi-connue puisqu’elle permettait de se faire réformer, et qu’elle était même passée dans le langage courant. Quand on disait de quelqu’un qu’il était P4, et bien on disait en fait qu’il était bien frapadingue. Parce qu’il fallait l’être pour se faire réformer P4. Il n’empêche que je vous raconterais dans un prochain chapitre comment un de mes potes de l’armée a réussi à se faire réformer … P5 !

La « journée des 3 jours » tirait donc à sa fin dans cette base de Blois, et pour être honnête, le seul truc qui m’embêtait vraiment, c’est que j’allais devoir me taper le voyage en train en sens inverse vers Paris pour rentrer chez moi et que j’allais encore me faire chier comme un rat mort. En effet, je n’avais pas jugé utile d’amener de l’argent puisque tout était payé par l’armée, et je n’avais donc pas un sou sur moi pour m’acheter ne serait-ce qu’un journal pour pouvoir lire quelque chose dans le train. C’est alors que j’étais plongé dans ces (profondes) pensées qu’un des militaires se mit à faire l’appel pour le départ vers le train de retour, et à nous donner à chacun une petite enveloppe. Mon nom commençant par un A, je fus un des premiers à recevoir l’enveloppe. Quelle ne fut pas ma surprise en l’ouvrant de voir qu’elle contenait … de l’argent ! Il devait y avoir quelque chose comme 15 francs (environ 2,50 euros). Nous étions pour la plupart étonnés, et le militaire entreprit alors de nous expliquer que puisque nous avions été considérés comme appelés (c'est-à-dire militaires) pendant cette journée, nous devions donc toucher notre solde pour la journée, en l’occurrence 15 francs. J'étais ravi ! Cet argent tombé du ciel allait me permettre d’acheter de la lecture, en l'occurrence Charlie Hebdo, qui coûtait à l’époque 10 francs (environ 1,50 euros). Et je pus même m’acheter une petite douceur (un Mars !) avec le reste de l’argent.

Et bien que je fus déçu d’avoir été déclaré apte, au moins mon voyage de retour se déroula plus agréablement que celui de l’aller puisque j’avais de la lecture. Ironie de l’histoire : Charlie Hebdo n’était pas exactement la tasse de thé des militaires et inversement, puisqu’il faisait partie de la liste des journaux qu’il était interdit de posséder sur une base militaire. Oui, vous avez bien lu, interdit. Interdiction qui fût levée quelques années plus tard au grand dam de l’armée et surtout de Charlie, journal anti-militariste notoire qui s’enorgueillissait de ce titre de gloire.


Voilà, c'est la fin de ce premier chapitre. N'hésitez pas à laisser des commentaires, si vous avez envie de dire des trucs.