lundi 11 janvier 2010

Chapitre 8 : Une odeur douce et âcre

Quand à moi, en ce qui concerne ma personne personnelle, je suis fou de joie. Même si je suis content de m'être fait des amis sympas, je suis quand même très impatient de revoir ma famille après trois longues semaines en enfer !
Je ne me souviens pas des préparatifs de départ, je me souviens juste de prendre le car spécialement affrété pour nous emmener à Toul pour qu'on puisse prendre le train qui va (enfin !) nous ramener chez nous. Je ne sais plus comment, mais je sais que je me suis retrouvé seul sur le quai, comme un con.

Je me retrouve donc seul sur ce quai, et je vois qu'il y a deux trains qui vont à Paris. Je dois donc en choisir un. Malin, je choisis celui qui s'arrête le moins possible. Je monte donc dans ce train. Je cherche du regard, mais au bout d"un moment j'abandonne : non, je ne connais personne dans ce train. Je marche un peu pour trouver une place ou m'assoir, et là il y a quelque chose qui me frappe : il n'y a que des gars de mon âge dans le train, la vingtaine, et il ont tous un grand sac de militaire de toile verte comme le mien. Et c'est là que je réalise où je suis : dans un train de permissionnaires. J'en avais déjà entendu parler mais je n'en ai évidemment jamais pris. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, c'est très simple : c'est un train où il n'y a que des militaires, généralement en permission pour le week-end. C'était assez courant du temps où il y avait encore le service militaire.

Je me trouve une place tranquille, je m'assois, et je me prépare à ce long voyage. Au bout d'un bon moment, le train s'ébranle enfin, et je vois la Lorraine s'éloigner, non sans une certaine joie non dissimulée. Je pense que je dois avoir un sourire d'andouille d'une oreille à l'autre.

Peu à peu, je me laisse bercer par le train. Mais au bout de quelques minutes, je sens une odeur douce et âcre s'accrocher à mes narines, et je me demande ce que c'est. En cherchant du regard, je vois des gars en train de fumer. Oui, car à cette époque là on pouvait encore fumer dans les trains. Et force m'est de constater que ce n'est pas du tabac qu'ils fument. Je n'ai jamais fumé, pas plus à l'époque qu'aujourd'hui, mais mon père ayant fumé des gauloises sans filtre pendant toute mon enfance, je connais l'odeur du tabac. Et je connais aussi l'odeur des cigares car j'avais un oncle un oncle qui en fumait pas mal. Et décidément, cette odeur ne ressemble à rien de tout ça. Et tout d'un coup ça fait tilt dans ma tête : ils sont en train de fumer du haschich ! de la marijuana ! de la beuh ! du shit, quoi.

Et si ça m'a pris aussi longtemps pour me rendre compte de ce que c'est, c'est que je n'en avais jamais senti avant. Eh oui, à l'école déjà, je ne faisais pas partie des gens "in", les "branchés", ceux qui fumaient quoi. J'ai décidé quand j'étais enfant que jamais je ne fumerais. Et ce pour plusieurs raisons. Déjà, même quand j'étais enfant, je trouvais que le fait de mettre ces petits bâtonnets dans sa bouche, puis d'y mettre le feu pour ensuite aspirer la fumée dans ses poumons ne pouvait pas être bon pour la santé. Et ensuite parce que l'oncle dont je vous ai parlé plus haut, celui qui fumait des cigares, et qui buvait du bon whisky, et bien il se trouve que cet oncle, qui était mon oncle préféré, est mort alors qu'il avait 55 ans et que j'en avais 8. Et sa mort était directement liée à la consommation excessive de ces merveilleux cigares et de ce bon alcool. Inutile de dire que ça m'a vacciné contre toute envie de fumer, et ce pour toujours.

C'est donc dans ce train que je sent pour la première fois de ma vie l'odeur douce amère du haschich. Mais ce que je ne sais pas à ce moment-là, c'est que c'est loin d'être la dernière. J'aurais en effet souvent l'occasion de sentir cette odeur vu que pas mal de gens en consomment sur la base. Un aparté : je n'ai jamais fumé non plus de haschich. Non pas que je n'en aie jamais eu l'occasion à l'armée, mais un détail m'a instantanément guéri de toute velléité d'essayer : le haschich doit être consommé mélangé à du tabac, roulé dans du papier à cigarette. Et comme je me suis juré de ne jamais fumer du tabac, la cause était entendue.

Après 3 longues heures, le train arrive à Paris. Je me précipite dans le métro, direction la gare St Lazare, et je prends enfin le train pour Bois-colombes. Je rentre chez moi ! J'ai du mal à y croire, surtout après ce premier mois cauchemardesque.

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