mercredi 24 février 2010

Chapitre 14 : La nouvelle chambre

Enfin, bon, y faut pas exagérer non plus, certains des gens de cette nouvelle chambre, je les connais déjà, ne serait-ce que de vue puisque nous sommes du même contingent et que nous avons déjà fait plein d'activités récréatives ensemble comme défiler sous la neige, etc …

En fait, dans cette nouvelle chambre, nous sommes cinq, moi y compris. Ceux que je remarque en premier, car leur visage m'est familier, c'est Dumas et Desmars. (je ne sais pas si vous avez remarqué, mais à l'armée on ne s'appelle pas par notre prénom, mais par notre nom de famille). Comme je l'ai dit plus haut, ces deux-là, je les connais de vue, ils sont du même contingent que moi et ils ont l'air assez sympas. On discute un peu et j'apprends que Dumas est originaire de la région parisienne, comme moi. Quand à Desmars, je ne me souviens plus du tout d'où il est, mais je me souviens très bien qu'il nous à dit qu'à ses heures perdues, il est DJ. Il faut dire ce qui est, il n'a pas du tout le look de l'emploi vu que le pauvre est déjà presque chauve, alors qu'il est plus jeune que moi.
Ils ont donc été affectés à l'ERT comme moi, mais je dois avouer que je ne me souviens plus du tout en quoi consistaient leur boulots. Je me souviens juste que Desmars avait un boulot administratif, le chanceux !

A part Dumas, Desmars et moi il y a donc encore deux autres occupants dans la chambre, qui sont eux aussi membres de l'ERT. Mais eux ce sont des anciens, ils ont déjà commencé leur service depuis quelques mois.

Le premier ancien s'appelle Casadéi. Il a l'air sympa lui aussi. Physiquement, il est assez petit, a d'épais cheveux noirs peignés vers l'arrière, et il porte des lunettes, comme moi. Il travaille avec le chef de l'ERT et il a donc la chance de s'habiller en costard tous les jours. Mais ça l'emmerde plutôt qu'autre chose, surtout à cause de cette putain de cravate qu'il doit mettre tous les jours. Je le comprends, je ne supporte pas ces saletés, dès que j'en mets une j'ai l'impression d'avoir un nœud coulant autour du cou. Mais je dois avouer que j'aurais encore préféré ça à mon putain de boulot complètement débile dans ce hangar merdique.
Il ne lui manque plus que quelques mois avant d'être libérable, et il attend ça avec une impatience non dissimulée. Il n'arrête pas de nous dire "Les gars, le jour ou je serais enfin libéré de cette merde, je vais te me faire une de ces putains de nouba, à en tomber dans un coma éthylique" avec un enthousiasme communicatif. La suite lointaine des évènements nous prouvera qu'il n'exagérait absolument pas.

Le deuxième ancien, je dois bien avouer que je ne me souviens plus de son nom, et je dois aussi avouer que je m'en fous, vu que je ne l'aime pas. Il vient d'un des territoires d'outre-mer, Dom ou Tom, je ne sais plus, et il faut bien dire les choses telles qu'elles sont, c'est un sombre connard. C'est un peu elliptique, je sais, mais ne vous inquiétez pas, je développerais mes arguments plus tard.

Je me retrouve donc dans cette nouvelle chambre, avec une nouvelle armoire, et le même cadenas. Oui, car vous vous doutez bien qu'il faut mettre un cadenas à nos armoires si nous voulons avoir une chance (minime !) de conserver nos biens les plus précieux. J'ai quand à moi une méthode personnelle : je ne sort jamais mon portefeuille de la poche de mon pantalon. Changement de pantalon pour faire du sport ? Changement de poche pour mon portefeuille ! Certaines personnes trouveront peut-être ça idiot, mais j'en ai vu des gars pleurer parce qu'on avait forcé leur cadenas et qu'on leur avait tout piqué. Donc, en ce qui me concerne : portefeuille = poche.

Au début, bien sur, ça a été comme à chaque fois que je rencontre une situation nouvelle : je suis tétanisé. Je vous l'ai dit plus haut, je déteste le changement et je suis très casanier. Mais bon, là ça fait quand même un mois que je suis sur la base, Desmars et Dumas je les connais un peu, ils sont sympas, et en plus, Casadéi, qui a l'air sympa, se révèlera être très sympa. Cerise sur le gâteau : la chambre de Rémy et Jerry est au fond du couloir au même étage que la mienne ! Je peux donc aller les voir quand je veux, et je ne vais pas m'en priver !
Donc à part l'autre connard, cette nouvelle chambre s'annonce plutôt bien.


mardi 16 février 2010

Chapitre 13 : Les autres affectations

Mais arrêtons une seconde de parler de moi (bien que ce soit un sujet très intéressant) pour parler un peu des autres, car après tout, je ne suis pas Nicolas Sarkozy, et le sort des autres personnes m’intéresse aussi.

Voyons donc voir où ceux avec qui j'ai partagé ma chambre durant les classes ont été affectés. Et bien pour la plupart, ils ont eu le même malheur que moi, à savoir qu'ils ont été affectés sur la base. Et oui, tous affectés sur cette base pourrie. Sauf ce pauvre Mick, qui a été affecté ailleurs et que je ne reverrais plus qu'une ou deux fois dans des trains de permissionnaires.

Voyons voir les affectations des autres : Rémy a été affecté dans un bâtiment juste à coté du mien dans un poste administratif au GERMAC. Ah le salaud, il y en a qui ont vraiment de la chance ! Travailler toute la journée en costume sur un ordinateur. Oui, parce que quand, comme moi, on est affecté à un travail à la con, on doit porter ce putain de treillis, qui est loin d’être la chose la plus confortable et la plus chaude du monde, alors vous imaginez dans un hangar en hiver en Lorraine. Alors que quand, comme Rémy, on a un poste dans les bureaux, on peut porter sa tenue d’aviateur. Chemise bleu ciel, costume bleu foncé, cravate, calot d’aviateur. D'accord, c'est pas très chaud, mais les bureaux sont chauffé, eux, contrairement à mon hangar pourri ! Et puis ça vous a quand même une autre allure que ces treillis pourris !
Alors bien sur, devant lui, j'ai râlé, j’en ai fait des tonnes sur le thème « Pourquoi c’est pas moi qui ai eu ce poste ? » mais en fait j’étais secrètement content qu’il ait eu un bon boulot parce que il faut que je vous dise que Rémy, c’est vraiment un mec bien.
Quand à Jerry, je ne me souviens plus du tout du lieu ou il a été affecté, mais bon, c'est pas grave vu que Jerry et Rémy sont restés tous les deux sur la base, et qu'on peut donc continuer à se voir sans aucun problème. Il y a juste un petit hic : quand on finit nos classes, on change de bâtiment d'hébergement pour laisser la place à la nouvelle génération de troufions qui prends notre place début janvier 1996.

Une petite remarque en passant : ils nous ont tellement bassinés avec cette histoire de contingent 95-12 pendant nos classes, que ça fait quand même drôle de réaliser qu'on va en fait faire les 9/10èmes de notre service militaire en 1996 et non pas en 1995. Bref, passons.

Et on a donc emménagé dans un autre bâtiment absolument identique au premier situé à environ 200 mètres de l'ancien, l'hébergement T1. Et dans ce nouveau bâtiment, on est logés par sections.

Et je me retrouve donc dans une chambre avec des gars de l'ERT 17-133, que je ne connais absolument pas.

lundi 8 février 2010

Chapitre 12 : Unité ERT 17-133 part Two

Mais laissez-moi donc vous décrire par le menu en quoi consiste mon merveilleux travail. Comme je l’ai dit plus haut, il y a dans le hangar des sortes de bureaux à la con, faits de cloisons pourries, un peu comme des openspaces, mais fermés. C'est marrant, on dirait des petits bunkers au milieu du hangar.
Ces bureaux sont bien sur réservés aux gradés qui sont donc les seuls à avoir le droit de s’asseoir et de se réchauffer un peu. Parce que vous imaginez bien que dans un putain de hangar, il fait plutôt frisquet, surtout en plein hiver en Lorraine.

Un de ces bureaux est situé tout de suite à l’entrée du hangar, et c’est là que moi et bagot on récupère les commandes de pièces qui viennent de toute la base. Oui, parce qu’on peut aussi bien nous demander une roue d’avion qu’un câble téléphonique pour le bureau du Colonel.
Ces commandes sont imprimées sur des grandes feuilles informatiques à l’ancienne. Mais si, vous voyez ce que je veux dire, les grandes feuilles verdâtres d’un format bizarre avec des bandes perforées de chaque côté. Puis, nous, les pauvres cons d'appelés de base, nous venons récupérer ces feuilles dans le bureau, et nous allons chercher dans les rayons ce qui nous est demandé. Puis, nous le mettons sur de grandes tables ou les pièces diverses et variées sont récupérés par d’autres gars qui les dispatchent dans la base.

Toujours est-il que c’est une activité très chiante, très monotone et très fatiguante. Parce que bien qu’il y ait un autre bureau vitré (vraiment openspace celui-là) en face du premier bureau dont je vous ai parlé, il est bourré d’ordis et les trouffions que nous sommes n’avons bien sur pas le droit d’y aller. J’ai donc réalisé au bout de ce premier jour de travail qu'une grande partie de mon boulot, pendant les 9 mois suivants, allait consister à rester debout toute la journée à attendre ces putains de listings informatiques.
Dans un hangar. Sans pouvoir m'assoir. Avec Bagot. 9 MOIS.

Autant vous dire qu'à la fin de la journée, j’ai quand même pris un sacré coup au moral.

lundi 1 février 2010

Chapitre 11 : Unité ERT 17-133

Le matin suivant mon retour à la base, je me rends donc pour la première fois à mon lieu de travail pour les 9 prochains mois, à savoir l’unité ERT 17-133. Déjà, un détail sympa : c’est pas très loin de l’hébergement. En fait, il y a un chemin qui y mène tout droit, on y est en 5 minutes. Mais comme nous sommes début 1996, en pleine psychose vigipirate à cause des attentats, ce chemin est bien sûr fermé par des grilles, et au lieu de faire 30 mètres en marchant tout droit, on doit faire un énorme détour inutile pour y arriver. En arrivant devant l'Ert, j’ai tout de suite un mauvais pressentiment, car j’ai bien vu grâce à mes yeux que ce truc est ce qu'on appelle dans notre jargon technique un hangar pourri. Et là je me dis « Ouh là, ça sent mauvais ». Car qui n'a pas connu la joie de travailler dans un hangar ne peut pas savoir ce que je ressens à cet instant magique où je me rends compte que je vais passer 9 mois de ma vie dans cette merde métallique glacée. Ben oui, parce que si vous croyez qu'un hangar ça se chauffe facilement, je suis désolé de briser vos illusions mais la réalité vraie c'est que dans un hangar, on se gèle les couilles ! Et pas qu'un peu !

Mais revenons à nos moutons, c'est à dire la découverte par mes globes oculaires émerveillés de ce véritable bijou qu'est l'ERT 17-133. Et bien en fait, comme je ne vais pas tarder à le découvrir, l’unité ERT 17-133 n’est autre qu’une unité de ravitaillement pour les avions (n’oublions pas que mes palpitantes aventures se déroulent sur une base aérienne). En fait, à l'intérieur de cette saloperie de hangar, il y a deux ou trois cloisons qui essaient vainement de passer pour des bureaux, et il y a surtout des rangées et des rangées d’étagères métalliques remplies de pièces détachées plus où moins grandes.

Et là, je dois bien vous avouer que je tombe des nues. Car je me suis toujours plus ou moins considéré comme un « intellectuel », comme quelqu’un qui travaille plus et mieux avec sa tête qu’avec ses jambes. Mais il faut croire que les tests sophistiqués des génies de l’armée avaient déterminé que j’étais plus apte à prendre des trucs sur des étagères à longueur de journée, pour ensuite les mettre dans des camionnettes qui les emmèneraient vers les chevaliers du ciel et leur merveilleuses montures ailées.
Grand amateur de BD devant l’éternel, c’est à ce moment précis que je réalise avec effroi ce que je suis devenu : un sous-fifre de Tanguy et Laverdure ! Et c’est bizarrement aussi à ce moment précis que j’ai commencé à beaucoup moins aimer les Chevaliers du Ciel.

Car il faut bien dire que l’idée de passer 9 mois de ma vie à faire ce travail idiot et répétitif me déprime encore plus que je ne le suis déjà. Surtout que je vais devoir passer tout ce temps avec une belle pelletée de débiles !
Car je ne vous ai pas encore présenté mes chers collègues de l’ERT.

A tout seigneur tout honneur, commençons par les gradés. En fait, ils sont comme presque tous les gradés de la base : cons. Et puis après il y a surtout mes collègues de travail, à commencer par les civils. Car je viens de découvrir que des civils travaillent sur la base ! Ils rentrent chez eux tous les soirs, les veinards. Mes souvenirs sont assez vagues, mais dans l’ensemble ils sont assez sympas.

Et puis il y a les autres appelés. Et là, j’ai droit à un truc pas banal. On me présente un appelé comme moi, un gars qui s’appelle Bagot et qui a prolongé son engagement après le service de plus d’un an ! Ce qui veut dire que ce gars a fini son service militaire depuis plus d'un an et qu'il a choisit de rester là !!! J'ai mon cerveau qui a failli exploser quand il m'a dit ça ! Alors que moi je n'ai qu’une envie : fuir !

Mais le pire ce sont les présentations proprement dites : un des civils (un gars sympa, la petite cinquantaine avec une moustache) me présente Bagot. Je lui serre la main, et je dis quelque chose du genre « salut, moi c’est bruno, ça va ? ». Et le gars Bagot me regarde fixement, et il sort « J’suis d’la région ! ». Un peu surpris par cette réponse, j’essaie d’enchainer par un « ah, euh, ouais, moi j’viens de la région parisienne ». Là, le Bagot me regarde avec un œil ... un oeil comme celui d'une poule quand elle essaie de réfléchir, vous savez, un truc vitreux où on sent un effort de réflexion intense. Ça dure bien 5 bonnes secondes, et là je sens qu’il s’apprête à faire une autre déclaration forte, sur quoi il me ressort « J’suis d’la région ! ». C'est hallucinant, j'ai l'impression d'être dans un sketch des Deschiens, et je commence à me demander si le gars Bagot ne se fout pas un peu de ma gueule. Mais là le civil intervient pour me rassurer, « non, non, il est toujours comme ça ».
Je laisse donc tomber l’affaire, et je comprends que Bagot et moi n’aurons jamais de grande conversation sur les mérites comparés des œuvres de Jean-jacques Rousseau et Voltaire.