lundi 28 décembre 2009

Chapitre 6 : Les autres trouffions

Mais assez parlé de moi, bien que ce soit un sujet méga intéressant. Parlons un peu des autres appelés. Nous sommes répartis par sections. Et il y a dans ma section un gars assez agaçant. Je ne me souviens plus de son nom, je me souviens juste qu’il a une petite barbichette, ce qui lui donne l'air assez con. Comme en plus, il est très con, ça lui va très bien. C’est le genre de gars qui pose toujours la mauvaise question au mauvais moment, si vous voyez ce que je veux dire. Tout le monde connaît ou a connu quelqu’un comme ça.

Enfin bref, il agace vraiment tout le monde. Les appelés, les gradés, tout le monde. Tout ça pour dire qu’il nous a valu un des rares traits d’humour que j’aie jamais entendu franchir la bouche d’un gradé. A l’armée, quand vous êtes malade et que vous allez au docteur de la base, on dit que vous êtes « consultant ». Cherchez pas, c’est comme ça, ils ont un nom différent pour à peu près tout.

Un jour donc, l’appelé en question est malade, et il se rend donc à l’infirmerie avant l'appel du matin. En faisant l’appel, notre sergent s’en rend compte et demande où il est. Un des autres appelés lui répond : « Il est consultant, sergent ». Ce à quoi le sergent répond du tac au tac : « il est surtout con, oui ! ». Ce qui a pour double effet de provoquer l’hilarité générale, et de nous montrer que certains militaires peuvent aussi avoir le sens de l’humour.

Sinon, dans ma section il y a aussi des gars sympas. Mais il y a aussi des connards finis. Notamment (désolé pour ceux que ça va énerver) la quasi-totalité des Doms. Force est de constater que ce sont presque tous des connards. Sauf un où deux, mais à part ça, j’ai rarement vu un ramassis de cons pareil. Pour la plupart d’entre eux, leur excuse est qu’ils sont loin de chez eux et qu’ils souffrent atrocement du moral. Et alors ? Comme si c’était une raison pour emmerder le monde ! Moi aussi je suis loin de chez moi et je souffre, et je n’emmerde pas les autres pour autant ! C’est quand même pas de ma faute si ils ont choisi de venir faire leur service en métropole ! Oui, car j'ai appris plus tard que personne ne les avait forcés à venir. Ce sont eux qui ont choisi de venir faire leur service militaire en métropole, et après ils se plaignent qu’ils sont loin de chez eux et qu’il fait froid et qu'ils n'ont pas le moral ! Mais putain, assumez les gars !

Ils ne sont bien sûr pas les seuls connards. Il y a notamment un gars de la région, un certain Muller, qui, en plus de parler avec un accent Alsacien à la con, est lui aussi un connard fini. Et pour finir, une racaille de banlieue qui s’appelait Kaci, et qui je crois est le plus con du lot. Heureusement, après les classes, ces 2 connards furent affectés dans une autre base et je ne les ai jamais revus, pour mon plus grand bonheur.

Mais assez parlé de pauvre cons, parlons plutôt de gens sympathiques, à savoir les gars avec qui je partage ma chambre. Comme je vous l’ai dis avant, j’ai eu la chance de tomber dans une chambre où il n’y a que des gens normaux, et surtout des gens qui adorent rigoler.

On commence donc à faire les présentations. J'apprends que Jérôme et Rémy sont originaires de Montargis, à côté d’Orléans, Arnaud, lui, est un gars du coin, quand à Mick, je ne me souviens plus d’où il vient. Ils sont tous sympas, mais celui avec lequel j’ai vraiment accroché, c’est Rémy. Il est super sympa, et il a un super sens de l’humour, comme moi. Au fil de nos conversations, j’ai appris un jour que son père était certes français, mais que sa mère était monégasque. Ça alors, un monégasque, un vrai ! Ça ne court pas les rues. Pour ma part, c'est la première et dernière fois que j'en ai rencontré un en chair et en os. Du jour ou j'ai découvert ça, j'ai décidé de l'appeler « Le Monacoien », ce qu’il accepte très bien car ça le fait rire. Ce qui l’a moins fait rire c’est quand il s’est rendu compte un jour qu’en tant que Monégasque, il aurait pu choisir de faire son service à Monaco et donc ne pas le faire, ou juste un tout petit truc, je ne me souviens plus. Mais bon, maintenant, il est là, c’est trop tard, il doit finir son service.

Petite digression : sur nos magnifiques tenues militaires, nous avons sur la poitrine, à peu près au-dessus du cœur, un emplacement pour mettre un scratch avec notre nom dessus, histoire que les militaires arrivent à nous différencier.
Un des jeux favoris des gradés quand ils punissent quelqu’un est de lui arracher le scratch de son uniforme, avec force intensité dramatique. A chaque fois, on dirait qu'ils nous refont la dégradation du Capitaine Dreyfus dans la cour de l'école militaire !

Toujours est-il qu'il a dû y en avoir un ou deux parmi les appelés qui n'ont pas apprécié. Et qui se sont plaints en douce. Car un jour ou nous étions alignés en rang d’oignons comme des cons par sections devant l’hébergement, comme tous les jours avant le début de notre torture quotidienne, une aspirante demande notre attention, puis commence à nous sortir un discours alambiqué sur le fait que le « dégrafage » n’est pas conçu comme une humiliation personnelle, et qu’il ne faut donc pas se vexer si un gradé vous le fait. Non, tu penses, on t’arrache juste ton nom puis on le jette par terre comme une merde, mais à part ça, c’est pas dutout une humiliation personnelle.

Tiens, en parlant des aspirants. Comme je l’ai déjà dit, personne ne porte cette bande de cons dans son cœur, à part une ou deux aspirantes auxquelles pas mal d’appelés pensent fortement mais pas dans leur cœur, plutôt sous la douche. Enfin bon, bref, à part ça, comme je l’ai dit, on ne les aime pas. C’est facile, pour moi, ils sont un peu l’équivalent des collabos pendant la deuxième guerre mondiale. Au lieu d’être des trouffions lambda, comme nous, ces salopards ont choisi de collaborer avec l’ennemi pour avoir un meilleur sort, exactement comme les collabos.

En plus, il faut bien dire ce qui est, les ¾ d’entre eux sont des connards finis. Il y en a surtout un que l'armée doit faire fantasmer, car il n’arrête pas de nous dire que au moins, chez les militaires il y a de l’ordre, pas comme dans la société civile ou c’est le bordel. C’est lui qui m’avait ordonné d’aller me refaire couper les cheveux.

Je me souviens du nom d’un seul de ces aspirants : l’aspirant Tissot. Et vous savez pourquoi je me souviens de son nom ? Parce qu'il est très très con, et que j'ai pris l'habitude de ma foutre de sa gueule !
Comme je l’ai dit plus haut, les militaires ont un nom différent pour tout. Et bien pour les expressions courantes, c’est pareil, ils ont les leurs. Par exemple, la plupart des militaires ne disent pas « OK », mais « OKA ». Et c’est le cas de l’aspirant Tissot. Mais, en plus, lui, il ne le dit pas, il le hurle à tout bout de champ. Et comme c’est un petit rouquin d’environ 1,50 mètre, c’est très comique. Dès qu’on nous explique quelque chose, Tissot repasse derrière en hurlant «Est-ce-que-c’est-OKA-messieurs ??? », en détachant bien chaque syllabe au cas où on aurait tous été des débiles profonds, et nous on doit se retenir de rire et hurler « Oui ! » en retour.

Or donc, un jour ou nous sommes tous dans la chambre avec les copains, l’ambiance est particulièrement morose. On est affalés sur les lits, crevés, en silence. Et tout d’un coup j’ai comme une illumination. Je me dresse comme un ressort, je mets mon visage à 5 cm de celui de Rémy, et je me mets à hurler : «Est-ce-que-c’est-OKA-messieurs ???». Un énorme éclat de rire part dans toute la chambre, moi y compris. On est tous morts de rire ! Et moi je continue de hurler de plus belle « OKAAAAA !!! ». Je crois qu’on n’a jamais autant rigolé que ce jour-là. En fait, je pense que c’est toute la tension nerveuse accumulée qui a enfin trouvé une façon de s’évacuer. Et putain, qu’est-ce que c’est bon !!

Mais presque immédiatement, l’un d’entre nous (je ne me souviens plus lequel) me fait remarquer qu’il y a des ouvertures d’aération dans la chambre, et que si ça se trouve, on peut nous entendre dans les autres chambres, voire même à la semaine, là ou se trouvent les gradés parmi lesquels il y a… l’aspirant Tissot ! Bonjour la parano !

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