Chose promise, chose dute ! Nous sommes lundi, et voici donc le deuxième chapitre de mes aventures dans l'armée.
Chapitre 2 : Nancy-ochey
28 avril 1995. Le jour de mes 23 ans. Je savais bien que j’avais épuisé tous mes recours et que le service militaire me tendait les bras. Mais je ne me doutais pas à quel point. Car quelques jours plus tard, début mai 1995, je reçus la missive tant redoutée qui m'annonçait que, ayant été reconnu apte lors de mes 3 jours, j’avais donc été affecté pour faire mon service militaire à la base aérienne de Nancy-ochey à dater du 5 décembre 1995.
Première réaction : une base aérienne ? J'étais affecté sur une base aérienne ? Mais alors j'allais faire partie de l’armée de l’air ! Comme Tanguy et Laverdure !!! Alors ça, je ne l’avais jamais envisagé. J’avais toujours pensé que j’allais me retrouver à l’armée normale, l’armée de terre, quoi.
Deuxième réaction : mais où qu’c’est-y donc Nancy-ochey ? Après quelques recherches, je me rendis compte que la base de Nancy-ochey était située... en lorraine... Et là je me dis « Mais la lorraine, c’est pas cette région qui est située juste à coté de … l’Allemagne ??? ». Je devais découvrir par la suite que c'était en fait plus près du Luxembourg, mais ne pinaillons pas. Nom de dieu, j’avais pas été affecté en Allemagne, mais c’était pas passé loin ! Et puis c’était au moins à 300 bornes de chez moi (en fait, plus de 350) ! « Et puis il fait froid en lorraine, c’est à l’est. Merde, je vais me les geler ! » que j'me dit. Je ne me doutais pas que j'étais encore en-dessous de la vérité ! Mais n’anticipons pas.
Toujours est-il que lentement, mais sûrement, la date fatidique se rapprochait. Le 5 décembre 1995. Décembre 1995 … ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, les grandes grèves de décembre 95, la France entièrement paralysée par une vague de protestations contre le retournement de veste de Chirac. Élu sur le thème de la fracture sociale, il venait de faire un discours où il faisait une volte-face complète et nous promettait des lendemains libéraux qui chantent. Les Français ayant assez peu apprécié de s’être fait entuber de la sorte se sont alors révoltés. Résultat : une grève cosmique comme on en avait pas vu depuis 1968.
Je suis généralement à fond pour les grèves. Mais là, j’avais un sérieux problème : je devais être à la base aérienne de Nancy-ochey le 5 décembre 1995 sans faute, faute de quoi j'aurais été considéré comme déserteur. L’armée, dans sa grande générosité, m’avait envoyé avec ma convocation un billet de train. Mais comme je vous l'ai dit, les trains ne circulaient pas. En fait, le gros problème, c’était surtout que je ne savais pas si, au cas où j’arriverais en retard, ils me rajouteraient des jours d’armée en plus ! Parce qu'ils en étaient bien capables, les salauds ! Et il était hors de question que ça m'arrive ! J’étais déjà assez dégoûté de devoir faire mes 10 mois de service, je m’étais juré que je n'allais pas en plus faire du rab. Après en avoir discuté avec mon père, nous décidâmes donc d’aller à la gendarmerie d’Asnières, la ville collée à la nôtre (Bois-colombes) car chez nous il n’y a pas de gendarmerie, pour voir si ils pouvaient nous dire quoi faire. Oui, parce que tout le monde ne le sait pas, mais les gendarmes sont des militaires, et ils étaient donc peut-être susceptibles de pouvoir me renseigner.
Et c'est ce que nous fîmes dès le lendemain matin. Dès notre arrivée, je m'aperçus vite que nous n'étions pas les seuls à venir nous renseigner pour des sujets militaires. Il y avait là pas mal de gars qui avaient environ mon âge, accompagnés de leurs pères respectifs. On pouvait lire sur leur visages (comme sur le mien, je suppose) la sourde angoisse qui tordait leurs entrailles. Après un certain temps d'attente, ce fut enfin notre tour.
Voilà à peu près ce que donna la discussion avec le Gendarme de service :
- Bonjour, voilà, je suis convoqué pour le 5 décembre à la base de Nancy-Ochey pour commencer mon service militaire. Mais avec la grève des trains qu’on a en ce moment, j’aimerais savoir si on vous a dit si on pouvait arriver un peu en retard sans risque de représailles de l’armée ?
- J’sais pas.
- Mais on ne vous a rien dit, la hiérarchie militaire ne vous a pas donné d’instructions à transmettre aux appelés ?!?
- J’sais pas moi. Y faut essayer d’êt là l’jour qui z’ont dit.
- Ookayyy …. Et bien écoutez, merci pour votre aide précieuse !
- De rien !
Inutile de vous dire que nous repartîmes de la Gendarmerie passablement énervés par l’incompétence de ce débile et pas plus avancés qu’avant. Et là, sur le chemin du retour, mon père me dit : « Écoute, ça fait rien, on ne va pas prendre de risques, je vais t’emmener moi-même à la Base ». Il faut que je vous précise que mon père était (avant de prendre sa retraite) chauffeur de taxi. Donc, pour lui, m’emmener, c’était perdre une journée de salaire. Et une journée de salaire c’est très important quand on à 4 enfants (moi et mes 3 sœurs) à élever. Mais pour mon père, il n’y avait même pas à discuter. Il ferait n’importe quoi pour ses enfants et si il fallait faire 700 bornes dans la journée pour m’emmener à l'armée, et bien il le ferait, point barre.
La journée tant redoutée arriva enfin. Mes parents et moi nous nous étions levés aux aurores. Ma mère avait préparé mon sac avec toutes mes petites affaires. Vérifications de dernière minute pour voir si j'avais bien ma convocation, mon billet de train (des fois qu'ils me le demandent, ces cons). Bon,ben, tout était bien là. Inutile de vous dire que j'étais passablement ému, mais il était hors de question que je pleure, je suis quand même un homme, on a sa fierté ! Je fis donc la bise à mes sœurs, puis à ma mère. Et nous partîmes. Le voyage se déroula sans incidents notables, et pour tout dire, je ne m’en souviens pas vraiment. Ce dont je me souviens, par contre, c’est de l’arrivée. Nous arrivâmes enfin dans la région de la base. Après avoir tâtonné un peu, un quidam finit par nous dire que la base aérienne était située après la sortie de la ville de Toul.
Premier étonnement, vu que la base s’appellait Nancy-ochey. Je pensais donc qu'elle était située à coté de la ville de Nancy. Comme je devais le découvrir plus tard, c’était en fait le nouveau Colonel de la base, arrivé récemment, qui l’avait rebaptisée ainsi. L'ancien nom de la base était Toul-ochey. Mais il faut bien dire ce qui est, Nancy-ochey ça pète plus !
Franchement, qui est-ce qui connaît Toul ? Alors que Nancy, c’est plus connu. Si vous dites à quelqu'un « je suis affecté à la base de Toul-ochey » les gens disent « Hein ? », alors que si vous dites « je suis affecté à la base de Nancy-ochey » les gens disent « Nancy ? Ah ouais, ça m’dit quelque chose ». C’est du moins, je le pense, le raisonnement qui avait conduit à la renommure de la base.
Nous arrivâmes donc enfin à l’entrée de la base. Et là attention, ça ne rigolait pas. Il y avait une barrière collée à une guérite avec deux gars à l’intérieur, dont un qui portait une espèce de béret sur le côté et un fusil mitrailleur en bandoulière !
Il faut bien se dire que déjà et d’une, c’était une base militaire, donc à mon avis, il fallait montrer patte blanche pour rentrer, et de deux, à l’époque la France venait de subir des attentats, donc, sécurité méga maximum ! Je dois avouer que j'étais impressionné car c’était la première fois que je voyais un fusil mitrailleur en vrai. Je montrais alors mes papiers d'appelé au gars dans la guérite. Après les avoir examinés, il nous dit que moi je pouvais rentrer, mais pas mon père. J’ai donc enlevé mon gros sac avec mes affaires du coffre de la voiture et j’ai embrassé mon père, le cœur gros. Mon cœur continua à grossir quand après un dernier au revoir, je vis la voiture de mon père s’éloigner sur la route jusqu'à devenir un point qui disparaissait au loin ...
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